Page:Revue de l'art ancien et moderne, juillet 1906.djvu/295

Cette page n’a pas encore été corrigée

242 LA REVUE DE L'ART détruire sans commettre un sacrilège. On en disposa selon l'usage des peuples contemporains : on creusa une vaste fosse entre le septième pylône et la salle hypostyle, puis on les y enfouit pêle-mêle en terre sainte. Vingt siècles plus tard, vers 1883, des sondages exécutés à la hâte me révélèrent la richesse du site, mais je n'osai rien y entreprendre, faute d'argent ; en 1901 seulement, lorsque la marche régulière du déblaiement y ramena les ouvriers, je recommandai à M. Legrain d'y descendre les tranchées plus profondément encore qu'à l'ordinaire, de façon à ne laisser rien échapper de ce qui se cachait dans le sous-sol. La fouille rendit d'abord ce que j'avais entrevu naguère, des colosses royaux en granit, en calcaire, en grès, qui furent remontés à leur place antique le long du pylône ; un peu au-dessous, les pièces d'un bel édifice en calcaire d'Amen- ôthès Ier, que Thoutmôsis III avait employées comme remblais lorsqu'il agrandit le temple ; tout au bas enfin, à six, douze, quatorze mètres de profondeur, ce à quoi personne de nous ne songeait, une favissa intacte, où des centaines de statues et des milliers de petits objets attendaient dans la boue l'heure de la délivrance. Voilà quatre ans que M. Legrain l'explore pied à pied, et je crois bien qu'il a réussi à la vider entière ; il faut dresser maintenant l'inventaire des trésors qu'elle nous a restitués. Le meilleur du profit reviendra sans contredit à l'histoire politique. Non que toutes les époques y soient repré- sentées avec une abondance pareille, — le premier empire thébain n'y figure à peu près que pour mémoire, et les deux grandes dynasties du second empire ont fourni une centaine de pièces seulement, — mais, de la chute des Ramessides à la conquête persane, la série des grands-prèlres d'Amon reparaît presque complète, eux, leurs femmes, leurs fils, leurs frères, les enfants ou les descendants extrêmes de leurs frères, et, du jour où la lignée mâle s'interrompit, les princesses qui héritèrent de ses droits avec les nobles personnages qui exercèrent le pouvoir en leur nom. Tou- tefois, tant de statues et d'inscriptions retrouvées d'un coup ne serviront pas qu'à nous renseigner sur la révolution qui transforma la royauté mili- taire de Thèbes en une théocratie ; elles nous sont autant de documents pour étudier la marche de l'art pendant les vingt siècles et plus que cette révolution s'accomplit. Certes, la facture en est très inégale, et beaucoup parmi elles n'offrent d'intérêt que celui de l'archéologie ; plusieurs pour-