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202 LA REVUE DE L'ART de miséricorde (à M. de Stuers) et Rachel et Laban (au musée de Leyde) ; — quant aux Hollandais, je ne pense pas qu'il y ait parmi eux un peintre de la moindre valeur dont il n'ait voulu, un jour, s'assimiler quelque chose : dans les seules expositions de Leyde et d'Amsterdam, on le voit imiter Dou, s'inspirer de van Ostade, de Brouwer, de van der Neer, même de Vermeer et de Rembrandt, et n'a-t -il pas, une fois au moins, — le tableau est à Londres, — assis une jeune dame et un maître de musique, devant l'élégant clavecin de son ami Mieris ? Il y a plus. Ce « franc rigoleur », comme on l'a nommé, met le plus souvent dans ce qu'il peint une intention morale. Le Leydois montre le bout de l'oreille. Vous le croiriez occupé à rire des folies humaines? Il philosophe ou il prêche, et il prend soin de nous en avertir. Une vieille entremetteuse dérobe son manteau à ce drôle qui s'enivre avec une fille; le peintre écrit dans un coin : «A quoi servent la chandelle et les lunettes, si le hibou ne veut pas voir? » Ce Ménage corrompu (collection de M. Schloss) ayant trop bu s'est endormi, l'homme affalé d'un côté de la table, la femme de l'autre; le chat va faire tomber un vase placé sur le bahut; il arrivera malheur à l'enfant qui s'agite sur sa chaise. «  Voyez le sot endormi, qui oublie le présent de Dieu», dit Steen. Ce n'est pas sans intention que dans l'Ivro- gnesse (au Dr. Brédius), si étonnante d'ailleurs par sa violence passionnée, le mari, également ivre, de cette maritorne, ramenée en charivari par tout le village, tombe nez à nez avec un pourceau, ni que, dans le tableau bien connu du musée de La Haye, cet enfant, couché à plat ventre auprès d'un crâne, souffle des bulles de savon. Steen n'a pas grande opinion des hommes et il connaît le néant de la vie. — Parfois, il se hausse au tragique : sur une toile du Rijksmuseum, soldats et paysans se battent, dans un village en flammes ; un pasteur et un moine sont foulés aux pieds ; l'écri- teaudit: «  Sauvegarde du Diable ». C'est dans le même esprit, la plupart du temps, qu'il peint ses tableaux religieux ; car il en a peint — il y en a quatre à Leyde. — Quel- quefois ce ne sont que des scènes de genre, plus ou moins orientalisées au goût du jour, comme Rachel et Laban, ou pleines de bonhomie, comme cette Adoration des bergers (au Dr. Brédius), qui n'est pas si loin de cer- taines Adorations de Rembrandt. Mais, le plus souvent, c'est un sermon, sermon de Steen où le ton n'est pas toujours grave, et où le prédicateur