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LE TRI-CENTENAIRE DE REMBRANDT 201 exemples ; je pourrais alléguer les premières oeuvres de Metsu et les portraits à l'antique, mais je préfère m'en tenir à ce que nous montrent les deux expositions de cette année et dire quelques mots d'un autre artiste, un très grand peintre, dont les origines restent sensibles malgré l'appa- rence, et qui, bien qu'il n'ait eu aucun succès de son vivant, est la gloire de l'école leydoise ; je veux dire Jan Steen. Au premier abord, on ne voit en lui qu'un bon vivant, aimant à boire, aimant à rire, qui ne serait pas très difficile sur ses fréquentations, ni très raffiné dans ses plaisirs. On croit sans peine aux histoires peu édifiantes que rapporte Houbraken. Il s'est peint souvent en compagnie joyeuse, fort occupé du pot placé devant lui. Sa peinture est inégale, souvent si lâchée, si désagréable de couleur, qu'on peut la dire franchement mau- vaise. Nous voilà tout près d'être convaincus qu'il bâclait ses tableaux pour payer ses dettes au cabaret. Eh bien, nous aurions tort. Les docu- ments nous ont un peu éclairci sa vie : tout porte à croire que c'était un fort honnête homme, bien qu'il tînt une auberge et qu'il ne méprisât pas le vin, qui peignait beaucoup et souvent vite, parce qu'il lui fallait vendre beaucoup, vu qu'il vendait mal et qu'il avait une famille nombreuse. D'ailleurs, un examen même superficiel ne permet pas de méconnaître la vérité du caractère et de l'expression de ses figures : il y a au Lakenhal des paysans à la fenêtre (à M. Kleinberger) qui sont, à ce point de vue, tout à fait divertissants. On a loué, non sans raison, la justesse de son observation, l'ampleur de son comique ; même on a parlé de Molière; et voilà qui ne va déjà pas si bien avec l'insouciance qu'on lui prêtait. A y regarder de plus près, on s'aperçoit que non seulement ce bohème avait sur l'humanité des vues profondes, mais encore qu'il était un chercheur infatigable, et qu'à part Rembrandt et Cuyp, personne dans l'école hollandaise n'a montré une telle variété de dons, une telle curiosité d'esprit. Qu'il ait étudié Jordaens, vers qui sans doute quelque affinité de tempérament l'attirait, ses familles attablées sous la devise Soo de oude songen, soo pijpen de jonge, le font bien voir, et s'il fallait un témoignage plus frappant, on le trouverait dans le curieux Satyre et paysan de M. Brédius ; qu'il ait regardé les Italiens, ou tout au moins les italianisants, ses architectures, ses paysages l'attestent — qu'on voie, entre autres, les Noces de Cana (à MM. Frederik Muller), les Sept OEuvres LA REVUE DE L'ART. — XX. 26