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LE TRI-CENTENAIRE DE REMBRANDT 197 l'année fatale, celle où Rembrandt, ruiné, ses collections mises en vente, quittait, pour l'auberge, sa maison de la Breestraat, avant de se loger modestement sur le Rozengracht, où il devait mourir. D'un tel revers, la peinture ne laisse rien soupçonner : aucune de ces impatiences de la main, comme on trouve dans certaines oeuvres de ce temps; la plus parfaite possession de soi et la plus exquise mesure. C'est une digne dame de cinquante ans, qui a mis ses habits du dimanche pour se faire peindre : robe de soie, bonnet de dentelle. Elle se tient toute droite dans son fauteuil, un vague sourire aux lèvres, les mains sur les accoudoirs. Sûrement elle avait des manies : ses cheveux sont bien tirés, et la monture d'or de sa coiffe vient appuyer fortement sur sa joue ; elle a tenu à ce que sur un écusson fussent inscrits son nom et son âge ; elle aimait sa perruche, car elle l'a fait peindre avec elle. Elle eût été bien fâchée que son portrait ne fût pas ressemblant ; il l'est, nous n'en pouvons douter. La robe est noire, le tapis rouge et jaune, le fond gris, l'oiseau verdâtre, le choix des tons est aussi fin que leur rapport est juste ; aucun artifice, aucun mystère inutile, la vraie lumière du jour, la vie même ; un dessin ample et serré qui ne se trahit nulle part, une peinture mate, grave et pleine, d'une richesse qui se dissimule, et qui, néanmoins, est un charme pour le regard. C'est de toute beauté. L'homme qui, l'année précédente, signait le Jacob de Cassel. et qui a su ici contenir à ce point son ardeur est absolument maître de son art et de soi-même. Quand il s'abandonnera, nous aurons les impétuosités géniales du Portrait de Famille de Brunswick, mais quand il se trouvera devant cinq hommes assis à une table, qui lui demanderont leur image exacte, il fera un chef- d'oeuvre de vérité profonde et d'équilibre, il nous donnera les Syndics. Si l'on écarte Rembrandt, Leydois d'origine, mais qui n'est évidem- ment d'aucune école, Leyde demeure cependant au XVIIe siècle une des villes les plus riches en peintres. Après une éclipse, à la fin du XVIe siècle, due sans doute à la difficulté des temps, elle brilla du plus vif éclat. On n'a pas eu de peine à réunir au Lakenhal nombre d'oeuvres excellentes. Ceux qui contribuèrent le plus à sa gloire nous laissent, il est vrai, très indifférents : c'est Gérard Dou et ses élèves. De leur vivant, ils eurent une réputation extraordinaire, qui se prolongea longtemps après. Leurs