Page:Revue de l'art ancien et moderne, juillet 1906.djvu/227

Cette page n’a pas encore été corrigée

186 LA REVUE DE L'ART congrès des Sociétés des Beaux-Arts des départements. Mais, en matière de peinture, peut-on raisonnablement s'en rapporter à l'oeil d'autrui? Bien nous en prit d'avoir voulu voir par nous-même, et le résultat de nos recherches ne nous fit pas regretter notre visite. Qui aurait pu sup- poser qu'un fragment de l'ancien retable de la chapelle, dont on désespérait de trouver trace, décorait la cure d'Oiron ? Aucun doute pourtant n'était possible. C'était bien le volet dessiné par Boudan, médiocrement, comme on devait l'attendre de la part d'un artiste payé par Gaignières 39 sols pour «  les grandes modes en miniature sur velin » et 5 sols pour les tombeaux et les épitaphes, mais du moins fidèlement. Par-dessus son armure, Claude Gouffier porte un somptueux vêtement de drap d'or, rayé, comme son blason, de « jumelles de sable ». A son cou pend le collier de Saint-Michel. Le baudrier bleu, fleurdelysé d'or, insigne de grand-écuyer, barre en travers le surtout et indique que le tableau ne peut être antérieur à l'entrée en charge du sire de Boisy, en 1546 1. Comme sa femme, Françoise de Brosse, morte en 1558, figurait sur l'autre volet, nous avons les deux dates extrêmes de la peinture, plus rapprochée sans doute de 1546 que de 1558, car l'artiste a donné à Claude, né en 1501, les traits d'un homme qui n'a guère dépassé la cinquantaine. Il ne manquait pas de talent, le vieux maître français! La figure du saint, vraisemblablement un prélat de la famille Gouffier, s'enlève bien sur le ciel. La physionomie énergique du grand-écuyer, vigoureusement poussée, est d'un réalisme plein de vie et de sincérité. La tonalité est fine et distin- guée. Les ornements,précieusement dessinés, feraientpenser aune influence flamande, si le paysage, avec ses tours rondes, sa ceinture de montagnes fermant l'horizon, ne révélait l'école du centre de la France. En voilà plus qu'il ne faut pour faire regretter la perte du second volet, cette Françoise de Bretagne, habillée, comme son mari, aux armes de sa maison : hermines de Bretagne et jumelles de sable sur fond d'or. L'image de Boudan suffit du moins pour nous en donner idée, et nous pourrions nous représenter le retable d'Oiron au complet, si nous en connaissions la partie centrale. Mais comme Gaignières n'a pas ju^é à propos de la faire dessiner, c'est par simple conjecture que nous proposons 1. Ce portrait figure également dans Montfaucon, Monuments de la Monarchie françoise t. IV p. 360, d'après Gaignières. — Voir aussi Racinet, Costumes historiques.