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PEU KRAFFT ET BERNARDO BELLOTTO 125 murs de Dresde, et la perte de l'électoral, de Saxe. On sait le bombarde- ment de la ville et la fuite du roi. Bellotto le suivit jusqu'à Varsovie. Après avoir passé quelque temps dans cette ville, où il devait revenir s'installer définitivement quelques années plus tard, notre artiste s'en fut travailler à Vienne, de 1758 à .1700, pour le compte de Marie-Thérèse : ses toiles, aujourd'hui conservées dans les collections impériales, forment un des plus précieux ensembles qu'on y puisse voir et évoquent magnifique- ment, avec toute la précision et toute la vie qui sont les qualités maîtresses de l'artiste, la belle vieille ville du XVIIIe siècle. Revenu de nouveau à Dresde, en 1763, avec le roi mourant, il se trouva alors dans de graves embarras d'argent. Le comte de Bruhl avait suivi Auguste III dans la tombe à vingt et un jours de distance, et Bellotto s'était vainement adressé à ses héritiers pour recevoir le paiement des vues de Dresde, autrefois commandées par le premier ministre ; ne pouvant rien obtenir, il vendit ses paysages à la cour, au prix vraiment dérisoire de 2.400 livres. Ces ouvrages, gravés par l'artiste lui-même, font aujourd'hui partie de la galerie de Dresde et forment un digne pendant aux vues du vieux Vienne, dont il vient d'être question. Les bords de l'Elbe, les quais, avec leurs maisons en construction et leurs badauds, les remparts, l'église Sainte-Croix et la Reustadt, où défilent les carrosses, ou bien les petites rues tortueuses qui bordent la Frauen- kirche, le Neumarkte, avec ses boutiques en plein vent autour desquelles la foule se presse, tout cela forme un tableau très pittoresque, très vivant et scrupuleusement fidèle de la vieille ville, du milieu du XVIIIe siècle ; il faut y ajouter une amusante recherche de la compositionlumineuse, dans la façon d'éclairer les édifices qui sont le sujet du tableau, et de se servir des ombres elles-mêmes à varier l'aspect du paysage. Les petits personnages qui animent ces compositions sont souvent dus au pinceau d'un très adroit metteur en scène, le peintre polonais Torelli, mort à Saint-Pétersbourg en 1783, qui se montre beaucoup mieux inspiré quand il collabore avec Bellotto que quand il peint ses propres fadaises accoutumées. Aux vingt et une vues de Dresde sont venues s'ajouter dix paysages de Pirna et de la forteresse de Gourenstein (1753-1757), quelques sites d'Italie peints de mémoire et aussi des aspects de Varsovie, où nous avons vu que le Canaletto avait fait un court séjour.