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remet ainsi en honneur sont : le portraitiste Graff[1] (1736-1813) et l’humoriste Chodowiecki (1726-1801) ; puis nous y trouvons les maîtres de l’école populaire autrichienne : Dannhauser (1805-1845), amoureux de Vienne à la vie facile ; Waldmüller (1793-1865), épris de la campagne et des mœurs paysannes ; Pettenkofen (1821-1889), excellent pour la verve, le don d’observation, le sentiment de la nature, la couleur et la qualité de la pâte. Wasmann de Hambourg (1805-86) est un portraitiste d’une fine observation et Spitzweg (1808-1885) un peintre de genre délicieux. Bizarre et incomplet, Hans von Marées (1837-1887), après avoir peint de bonnes œuvres dans le genre des Hollandais, rechercha inutilement les moyens de donner la sensation de l’air. Comme Couture, Feuerbach (1829-1880) et Victor Müller (1829-1871) ont voulu concilier le naturalisme avec le style noble de l’ancienne peinture historique. Ces artistes sont presque les seuls dont les tableaux soient reproduits dans les revues allemandes consacrées à l’exposition ; la photographie n’a-t-elle pas popularisé depuis longtemps les œuvres des écoles officielles ?

Mais le public français ne peut étudier la Centennale dans le même esprit que le public allemand, et c’est pourquoi l’exposition servira plutôt de prétexte que de sujet à cette étude, où je montrerai comment l’école allemande s’est, étape par étape, créé un art original au cours du xixe siècle.

I

La première phase de l’évolution de l’art allemand est celle de l’idéalisme.

Vers 1815, le rationalisme, le goût des idées générales s’étaient mêlés au romantisme ; la Révolution française, les conquêtes de Napoléon, la guerre de l’indépendance allemande avaient exalté les esprits. Et la philosophie enseignait que le but de l’art est de concilier dans le beau l’idéal et le réel dont l’antagonisme cause les troubles des sociétés et les passions douloureuses du cœur humain ; que, par suite, les artistes exercent un sacerdoce. Telle était la mentalité des premiers maîtres du XIXe siècle, et c’est à leurs traditions que l’école allemande doit ses meilleures qualités : le goût du travail, la dignité, la conscience.

  1. Voir, sur cet artiste, l’étude publiée par M. Fournier-Sarlovéze, t. XV, p. 111.