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82 LA REVUE DE L'ART figuratif ne tirèrent plus leur origine comme auparavant des Triomphes, mais que de ces formes mêmes en jaillirent de nouvelles, et ainsi de suite. Il convient de rappeler que, sans doute, la littérature inspire et forme les arts représentatifs, leur donne une impulsion, mais que ceux-ci cependant se meuvent dans leur propre orbite et vivent par eux-mêmes. Il est vrai que l'on tient pour certain que les lettres et les arts marchent d'un pas égal, tandis que les arts, langage commun et toujours vivant des mul- titudes, ont des origines et une marche parallèles à celles de la langue parlée et non des lettres. Comme celles-ci, ils s'adaptent à la vie qui les entoure et constitue leur milieu, mais les uns et les autres coulent par des voies qui leur sont propres sur la terre maternelle. Les lettres et les arts sont des manifestations de la vie, qui n'ont entre eux que les corré- lations nécessitées par leur caractère contemporain : ils sont autant d'expressions diverses de l'esprit, autant de voix de l'humanité, autant d'impulsions cachées, qui jaillissent des profondeurs de notre race, prennent des aspects divers, et diversement resplendissent. En général, on peut dire que la littérature précède le travail des arts figuratifs : des siècles passèrent avant que le roman allégorique de Marlianus Capella eût vivifié les arts libéraux, utilisés pour conserver les sépulcres et orner les cours seigneuriales : des siècles et des siècles s'écoulèrent avant que la roue de la Fortune, imaginée par Boèce, se fût mise à tourner à la façade des cathédrales, avant que le drame du Jugement dernier, tel que le retrace saint Éphrem, l'apôtre des peuples de Syrie, eût inspiré Nicolas d'Apulie. C'est seulement lorsque les images des poètes se sont reflétées dans les âmes et dans la conscience populaires, que leur méta- morphose en formes peintes ou sculptées peut s'accomplir. Plus la Divine Comédie se répand, et plus les artistes la commentent en leur langage figuré : plus Boccace s'introduit dans les joyeuses compagnies et plus il fournit de sujets aux arts représentatifs : plus fort est le murmure des canzone de Pétrarque à traveres lauriers d'Italie, et plus nombreux sont les sujets que lui empruntent la matière figurative. Le Quattrocento, qui aime jusqu'à l'idolâtrie le poète de Laure, s'inspire des Triomphes dans les miniatures et dans les fresques, dans les ciselures et les ouvrages d'orfèvrerie, dans les coffrets de mariage des jeunes filles, dans les ouvrages en ivoire et dans les tables, aux murs des demeures seigneu-