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vie pour que toute la terre sache que la voûte est tombée aux Cellules à cause d’une coupe de vin.

149. — Un vieillard[1] vint en trouver un autre qui dit à son disciple : Fais-nous un peu de lentilles, et il les fit, et : Mouille-nous des pains, et il les mouilla. Ils restèrent à parler de choses spirituelles jusqu’à la sixième heure du jour suivant, et le vieillard dit à nouveau à son disciple : Fais-nous un peu de lentilles, enfant. Il répondit : Je l’ai fait dès hier. Et ainsi ils mangèrent.

150. — Un autre vieillard[2] vint trouver l’un des pères : Celui-ci, ayant fait cuire un peu de lentilles, lui dit : Faisons un petit office, et l’un termina tout le psautier et l’autre récita par cœur les deux grands prophètes. Lorsque le matin fut venu, le vieillard s’en alla et ils oublièrent de manger.

151. — Un vieillard[3] tomba malade et, ne pouvant prendre de nourriture durant plusieurs jours, son disciple lui demanda d’accepter un petit plat de légume[4]. Il alla le faire et le lui apporta pour manger. Or il y avait là, suspendu, un vase dans lequel se trouvait un peu de miel et un autre vase avec de l’huile de graine de lin qui sentait mauvais parce qu’elle ne devait servir qu’à (garnir) la lampe. Le disciple se trompa et, au lieu du miel, il mit de cette (huile) dans la nourriture du vieillard. Quand le vieillard la goûta, il ne dit rien, mais la mangea en silence. Le frère l’obligea à en manger une seconde fois, et il le fit malgré sa répugnance. À la troisième fois, il ne voulut plus manger, mais dit : En vérité, je ne puis manger, enfant. Celui-ci répondit vivement : C’est bien, abbé, je mangerai avec toi. Quand il eut goûté et senti ce qu’il avait fait, il se prosterna et dit : Malheur à moi, abbé, voilà que je t’ai tué et tu as mis ce péché sur ma (conscience) puisque tu n’as pas parlé. Le vieillard dit : N’en sois pas peiné, enfant, si Dieu avait voulu que je mange du miel, tu l’aurais eu sous la main pour le mettre.

152. — On racontait d’un vieillard[5] qu’il désira un jour une petite figue[6]. Quand il l’eut, il la pendit devant ses yeux et se repentit sans se laisser vaincre par le désir, il se dompta, si grande qu’eût été sa concupiscence.

153. — Un frère[7] alla voir sa sœur qui était malade dans certain couvent. Or, elle était très religieuse et, comme elle ne voulait pas voir d’homme ni donner prétexte à son propre frère de venir parmi les femmes, elle lui fit dire : Va, mon frère, en priant pour moi, et, par la grâce du Christ, je te verrai dans le royaume des cieux.

  1. Coislin 127, fol. 78 ; M, 871, no 56.
  2. B, p. 466, no 64. Coislin 127, fol. 78 ; M, 871, no 57.
  3. Coislin 127, fol. 78 ; M, 871, no 59 ; 767, no 51.
  4. Nous traduisons comme λαχάνιον. Le latin porte : « Fecit de farinula lenticulam, et zippulas ».
  5. Coislin 127, fol. 78 ; M, 767, no 50 ; 872, no 60.
  6. « Un concombre » M.
  7. B, p. 881, no 138 ; Paul, 226 ; Coislin 127, fol. 78v ; M, 760, no 35 ; 872, no 61.