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histoires des solitaires égyptiens.

frère lui répondit : Dès maintenant je reste avec toi, père, jusqu’à ma mort.

191. L’un des vieillards Thébains racontait[1] : J’étais fils d’un prêtre païen. Lorsque j’étais jeune, je voyais souvent mon père qui venait sacrifier à l’idole. Un jour que j’entrai en cachette derrière lui, je vis Satan et toute son armée autour de lui, et voilà que l’un de ses chefs vint l’adorer. Le diable lui dit : D’où viens-tu ? Il répondit : J’étais dans tel pays, j’ai excité des guerres, j’ai fait verser beaucoup de sang et je suis venu pour te l’annoncer. Il lui dit : En combien de temps as-tu fait cela ? Il répondit : En trente jours. — Et il le fit châtier et dit : En tant de jours, tu n’as pu faire que cela !

Un autre vint l’adorer et il lui dit : D’où viens-tu, toi aussi ? — Le démon lui répondit : J’étais dans la mer, j’ai suscité les vents, j’ai submergé des navires, j’ai fait périr beaucoup d’hommes et je suis venu te l’annoncer. Il lui dit : En combien de temps as-tu fait cela ? — Le démon répondit : En vingt jours. — Et il ordonna de le flageller et il dit : Pourquoi, en tant de jours, n’as-tu fait que cela ?

Le troisième s’approchant l’adora, et il lui dit aussi : D’où viens-tu ? Le démon lui répondit : Dans telle ville il y avait des noces, j’y ai excité une guerre et j’ai fait répandre beaucoup de sang, j’ai tué l’époux et l’épouse et je suis venu te l’annoncer. Il lui demanda : En combien de jours as-tu fait cela ? — Il répondit : En dix jours. Et il ordonna de le flageller aussi, parce qu’il avait mis trop de temps. Après ceux-là, un autre vint l’adorer. Il lui dit D’où viens-tu, toi aussi ? — Il répondit : Voilà quarante ans que je suis dans le désert à lutter contre un moine ; cette nuit-ci je l’ai fait tomber dans l’impureté. À ces paroles, (Satan) l’embrassa et, enlevant la couronne qu’il portait, il la lui plaça sur la tête et il le fit asseoir sur son trône et il dit : C’est parce que tu as pu accomplir cette grande action. Et le vieillard ajouta : Lorsque je vis cela, je (me) dis : L’état monacal est donc vraiment grand ! Et — Dieu voulant mon salut — je partis et je devins moine.

RÉCITS POUR NOUS EXCITER À LA PATIENCE ET À LA FERMETÉ.

192. Un vieillard dit[2] : Quand un homme est éprouvé, les afflictions lui viennent de partout pour l’impatienter et le faire murmurer.

Et il racontait :

Il y avait un frère aux Cellules et il fut éprouvé lorsque quelqu’un le rencontrait, il ne voulait ni le saluer ni le faire entrer dans sa cellule ; lorsqu’il avait besoin de pain, personne ne lui en prêtait ; lorsqu’il revenait de la moisson, personne ne l’engageait par charité à se reposer dans l’église comme c’est la coutume. Il revint un jour de la moisson et ne trouva même pas de pain dans sa cellule ; malgré tout cela, il rendait

  1. M, 885, no 39 ; Coislin 127, fol. 95 ; Paul, 99 ; B. 688, no 624.
  2. M, 897, no 22 ; B. 811. 205 : Coislin 127. fol. 124.