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avait une cachette à l’intérieur de sa cellule et le diacre le pria et lui dit : Enterre-moi ici vivant et ne le dis à personne. Il entra dans cette obscurité et fit pénitence en vérité. Au bout d’un certain temps, l’eau du fleuve ne vint pas (le Nil ne déborda pas). Pendant que tous faisaient des prières, un saint eut une révélation : Si un tel diacre qui est caché chez tel moine ne vient pas, l’eau ne montera pas. Ceux qui l’apprirent furent dans l’étonnement ; ils allèrent le chercher où il était ; il pria et l’eau monta, et ceux qui avaient jadis été scandalisés furent d’autant plus édifiés par sa pénitence et ils louèrent Dieu.

178. — Un vieillard dit[1] : Beaucoup sont tentés par les plaisirs charnels ; bien qu’ils n’approchent pas des corps (bien qu’ils ne pèchent pas corporellement), ils commettent l’impureté par l’esprit et, tout en gardant leurs corps vierges, ils pèchent par l’âme. Il est donc beau, mes (frères) chéris, de faire ce qui est écrit, et de garder chacun son cœur avec grand soin.

179. — Deux frères allèrent au marché[2], pour vendre leurs marchandises. L’un d’eux, lorsqu’il eut quitté l’autre, tomba dans l’impureté. Son frère revenant lui dit : Allons à notre cellule, frère. Il répondit : Je n’y vais pas. L’autre le priait et disait : Pourquoi, mon frère ? — Il répondit : Parce que, au moment où tu m’as quitté, je suis tombé dans l’impureté. Son frère voulant gagner son âme, se mit à lui dire : À moi aussi, lorsque je t’ai eu quitté, il m’en est arrivé autant, mais allons faire pénitence avec soin et Dieu nous pardonnera. Ils allèrent raconter aux vieillards ce qui leur était arrivé et ceux-ci leur imposèrent un règlement pour faire pénitence. Cependant l’un d’eux faisait pénitence pour l’autre, comme s’il avait péché lui-même, et Dieu, voyant la fatigue que (lui attirait) sa charité, révéla à un vieillard, au bout de quelques jours, qu’il pardonnait au pécheur à cause de la grande charité du frère qui n’avait pas péché. Voilà ce qu’on appelle donner sa vie pour son frère.

180. — Un frère vint un jour près d’un vieillard et lui dit[3] : Mon frère m’énerve en allant ici et là et j’en suis affligé. Le vieillard l’encourageait en disant : Supporte ton frère et Dieu, voyant la peine (que tu prends) par ta patience, le ramènera, car il n’est pas facile de ramener quelqu’un par la dureté et un démon ne chasse pas un démon ; tu le ramèneras plutôt par la douceur, car c’est par persuasion que Dieu ramène les hommes. Et il lui raconta (l’histoire suivante) :

Dans la Thébaïde, il y avait deux frères ; l’un d’eux, tenté par l’impureté, dit à l’autre : Je vais dans le monde. L’autre pleura et dit : Je ne te laisse pas partir, mon frère, et perdre (le fruit de) tes travaux (antérieurs) et ta virginité. — Il ne l’écouta pas et répondit : Je ne reste pas et je m’en vais. Viens avec moi et je reviendrai avec toi, ou bien laisse-moi et je resterai dans le monde. Le frère alla raconter cela à un illustre vieillard

  1. M, 874, n° 2 ; attribué à Jérôme de Pétra.
  2. M, 744, n° 12 et 880, n° 24 ; Coislin 127, fol. 91v ; Paul, 369 ; B, 589, n° 389 ; L, fol. 3 v.
  3. M, 880, n° 28 ; Coislin 127, fol. 92 ; Paul, 369.