Page:Revue de l'Orient Chrétien, vol. 13, 1908.djvu/294

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plète la joie du démon. La grande douleur de son âme rendit son corps malade pour la plus grande joie de l’Ennemi, si Dieu n’était venu enfin à son secours pour l’empêcher de mourir. Rentré enfin en lui-même, il se proposa de s’appliquer davantage à la souffrance. Il retourna donc à son monastère (à sa cellule), en ferma la porte et pleura en suppliant Dieu comme il faut pleurer sur un mort. Tandis qu’il jeûnait et veillait avec découragement, son corps s’amaigrissait et il n’avait pas encore l’assurance d’une pénitence (suffisante). Comme les frères venaient souvent près de lui pour s’édifier et frappaient à sa porte, il leur disait ne pouvoir ouvrir ; « j’ai promis, disait-il, de faire pénitence constamment durant une année » ; il ajoutait : « Priez pour moi ». Il ne savait que répondre pour ne pas scandaliser les auditeurs, car ils le tenaient pour (un homme) vénérable et un moine illustre. Il passa toute l’année en continuelle pénitence et, au moment de Pâque, durant la nuit de la sainte résurrection, il prit une lumière nouvelle, la garnit, la mit dans un pot nouveau, la recouvrit et se tint en prière dès le soir, disant :

Ô Dieu compatissant et miséricordieux, désireux que les barbares eux-mêmes soient sauvés et arrivent à la connaissance de la vérité, c’est à toi, sauveur des âmes, que j’ai eu recours. Aie pitié de moi qui t’ai beaucoup affligé, à la grande joie de l’Ennemi ; voilà que je suis mort pour avoir écouté l’Ennemi. Toi, Seigneur, qui as pitié des impies et des cruels et qui enseignes à prendre le prochain en pitié, aie pitié de mon humilité, car rien ne t’est impossible, voilà que mon âme a été emportée vers l’enfer. Aie pitié, parce que tu es bienveillant envers ta créature, toi qui dois éveiller, pour le jour du jugement, même les corps qui ne sont pas. Exauce-moi, Seigneur, car mon esprit a défailli aussi bien que mon âme malheureuse. Mon corps, que j’ai souillé, s’est liquéfié, et je ne puis plus vivre depuis que j’ai abandonné ta crainte. Parce que j’ai cru fermement que la faute était effacée par la pénitence — moi qui ai désespéré comme seconde faute — vivifie-moi dans mon affection et ordonne à cette lampe de s’allumer de ton feu, afin que, fortifié par ta miséricorde et ton pardon, je garde tes commandements durant tout le temps que tu me laisseras encore vivre, que je ne m’écarte plus de ta crainte, mais que je te serve sans trêve, mieux que par le passé.

Après ces paroles et de nombreuses larmes, durant la nuit de la résurrection, il alla voir si la lampe était allumée, la découvrit et, voyant qu’elle n’était pas allumée, se prosterna de nouveau à terre et pria le Seigneur en disant : Je sais, Seigneur, qu’il a été question de me couronner et je ne me suis pas approché, car j’ai pensé que la punition (qui attend) les pécheurs me convenait plus que les plaisirs charnels. Épargne-moi donc, Seigneur, je confesse de nouveau ma honte devant ta bonté en présence de tous tes anges et des justes ; si ce n’était de crainte du scandale, je la confesserais aussi devant les hommes ; aie donc pitié de moi, afin que j’instruise aussi les autres. Oui, Seigneur, vivifie-moi.

Lorsqu’il eut ainsi prié par trois fois, il fut exaucé et, lorsqu’il se leva, il trouva que la lampe était allumée. Réjoui par l’espérance, il fut fortifié