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communauté, qui recevait des révélations, connut qu’un évêque devait venir au monastère ; il l’annonça au portier et lui dit : Fais attention, frère, car un évêque doit venir nous trouver aujourd’hui. Le portier, pensant qu’il viendrait avec une litière ou du moins avec un certain apparat, comme un évêque, ne s’aperçut de rien. Mais l’abbé sortit à sa rencontre et le salua en disant : Sois le bienvenu, seigneur évêque ! Celui-ci, tout stupéfait d’avoir été reconnu, voulut s’enfuir à un autre monastère. L’abbé lui dit donc : Partout où tu iras, j’irai avec toi. Il le pria donc beaucoup et le fit entrer dans le monastère ; il s’y repentit en vérité et mourut en paix au point qu’il y eut des prodiges à sa mort.


33. Il y avait dans la Thébaïde un vieillard nommé Iliérax qui avait atteint près de quatre-vingt-dix ans. Les démons qui voulaient l’amener à la négligence par la longueur du temps (de sa vie) vinrent le trouver un jour et lui dirent : Que feras-tu, ô vieillard ? car tu as encore cinquante autres années à vivre. Il leur répondit : Vous m’avez grandement affligé, car je m’étais préparé pour (vivre) deux cents ans. Les démons le quittèrent en hurlant.


34. Un anachorète[1] lutta durant un certain nombre d’années dans les régions du Jourdain. Il eut la grâce de ne pas être attaqué par l’ennemi, de sorte qu’il injuriait le diable devant ceux qui venaient le visiter ; il leur disait, pour leur édification, que le diable n’était rien et ne pouvait rien contre les athlètes s’il ne les trouvait semblables à lui : sordides et asservis au péché, tels étaient ceux qu’il énervait. Il ne se doutait pas qu’il était protégé par le secours divin et qu’il lui devait de ne pas subir les attaques de l’ennemi. Un jour donc, par la permission divine, le diable lui apparut face à face et lui dit : Que t’ai-je fait, abbé ? pourquoi me couvres-tu d’injures ? T’ai-je jamais tourmenté ? Mais lui, couvrant le démon de crachats, usa encore des mêmes paroles : Va loin de moi, Satan, car tu ne peux rien contre les serviteurs du Christ. L’autre le flatta en disant : C’est vrai, c’est vrai, mais tu dois vivre encore quarante ans et, durant tant d’années, comment ne trouverais-je pas une heure pour te duper ? et, après avoir jeté l’appât, il disparut. L’autre se mit à réfléchir et à dire : Voilà déjà tant d’années que je m’épuise ici et maintenant Dieu veut me faire vivre encore quarante autres années, je vais partir et aller dans le monde, je verrai ceux qui agissent autrement que moi, je passerai quelques années avec eux, puis je reviendrai et reprendrai ma vie ascétique. Dès qu’il eut pensé cela, il le mit en œuvre. Il se leva, quitta sa cellule et marcha. Non loin de là, un ange du Seigneur fut envoyé à son secours et lui dit : Où vas-tu, abbé ? Il répondit : À la ville. L’ange reprit : Va à ta cellule et n’aie rien de commun avec Satan, car il t’a bafoué. — Il rentra en lui-même, retourna à sa cellule et mourut trois jours plus tard.

  1. Paul, 19.