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le vieillard et l’autre pour lui-même. Le dimanche donc, le vieillard se rendant à l’église, vit encore les démons au dehors de la cellule du frère, mais ils étaient beaucoup plus tristes, et le vieillard connut que la prière du frère attristait les démons. Il en fut rempli de joie, entra près du frère et lui dit : Fais charité et ajoute, chaque nuit, encore une autre prière pour moi. Quand il eut fait les deux prières pour le vieillard, il fut encore attristé et se dit : Malheureux ! ajoute encore une prière pour toi. Il passa toute la semaine ainsi, faisant chaque nuit quatre prières. Lorsque le vieillard revint, il vit les démons tristes et silencieux ; il rendit grâces à Dieu, entra de nouveau près du frère et le pria d’ajouter encore une autre prière pour lui. Le frère en ajouta encore une pour son compte et fit ainsi six prières chaque nuit. Quand le vieillard revint, les démons se fâchèrent contre lui, car ils supportaient avec peine le salut du frère. Le vieillard loua Dieu, entra dans la cellule et exhorta le frère à ne pas se relâcher mais à prier sans cesse, puis il le quitta. Les démons, voyant qu’il persévérait dans la prière et la vigilance, s’éloignèrent par la grâce de Dieu.

67. — Un vieillard dit[1] : Il y avait un vieillard qui demeurait dans le désert ; après avoir servi Dieu durant de nombreuses années il dit : Seigneur, fais-moi connaître si je t’ai plu. Et il vit un ange qui lui dit : Tu n’es pas encore arrivé à la hauteur du jardinier qui demeure en tel endroit. Le vieillard fut dans l’étonnement et se dit : J’irai à la ville pour le voir ; que peut-il faire pour surpasser l’efficacité et le profit de mes longues années ! Il partit donc et arriva à l’endroit désigné par l’ange ; il vit cet homme occupé à vendre des légumes. Il s’assit près de lui le reste du jour et lui dit au moment où il partait : Peux-tu, frère, me recevoir cette nuit dans ta cellule ? L’homme, plein de joie, accepta, et, arrivé à sa cellule, se mit à tout préparer pour le repos du vieillard. Celui-ci lui dit : Fais charité, frère, dis-moi ta conduite. L’homme ne voulut pas la dire et le vieillard resta longtemps à le supplier ; enfin, ennuyé, il dit : Je ne mange que le soir ; lorsque je termine, je ne garde que ce qu’il faut pour ma nourriture et je donne le reste à ceux qui en ont besoin ; si je reçois un serviteur de Dieu, je le lui donne. Lorsque je me lève le matin, avant de me mettre à mon ouvrage, je dis que toute la ville — depuis le petit jusqu’au grand — entrera dans le royaume (du ciel) à cause de ses bonnes actions, tandis que moi seul j’hériterai du châtiment à cause de mes péchés ; le soir, avant de me coucher, j’en dis encore autant. Le vieillard l’entendant lui dit : Cette conduite est belle, mais elle ne peut pas surpasser mes travaux de tant d’années. Comme ils allaient manger, le vieillard entendit certains sur la route qui chantaient des chansons. Car la cellule du jardinier était en un endroit public. Le vieillard lui dit : Frère, puisque tu veux vivre ainsi pour Dieu, comment demeures-tu en cet endroit ! n’es-tu pas troublé, en entendant ces chansons ? L’homme lui dit : Je t’avoue, père, que je ne suis ni troublé ni scandalisé. À ces paroles le vieillard lui dit : Que penses-tu donc dans

  1. Ms. 929, p. 213.