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49. — Un frère, chargé d’une affaire par son abbé[1], passa par un endroit où il y avait de l’eau. Il y trouva une laveuse et, saisi de tentation, lui demanda à coucher avec elle. Celle-ci lui répondit : T’écouter est facile et cependant je te causerai beaucoup de tribulations. Il lui demanda : Comment ? Elle répondit : Quand tu auras commis la faute, ta conscience te fera des reproches et, ou bien tu la mépriseras, ou bien tu auras beaucoup de peine à rentrer dans l’ordre où tu es maintenant ; avant donc d’avoir été blessé, poursuis ta route en paix. Il se repentit, rendit grâces à Dieu et à la sagesse de cette femme, puis, revenu près de son abbé, il lui raconta la chose et celui-ci s’émerveilla (du bon sens) de cette femme. Puis le frère demanda à ne plus quitter le monastère et il y demeura sans sortir jusqu’à sa mort.

50. — Un frère, allant puiser de l’eau au fleuve[2], trouva une laveuse et pécha avec elle. Après le péché, il prit l’eau et retourna à sa cellule. Les démons le tourmentant par ses pensées le pressaient en ces termes : Où comptes-tu aller ? il n’y a plus de salut pour toi ; pourquoi nuire plus longtemps au monde ? Le frère s’aperçut qu’ils voulaient le perdre entièrement et il dit à ses pensées : D’où venez-vous pour me troubler ainsi et me conduire au désespoir ? je n’ai pas péché ; je vous le répète : je n’ai pas péché. Il alla ensuite à sa cellule et s’adonna aux mortifications comme auparavant. Le Seigneur révéla à certain vieillard son voisin que tel frère était tombé et avait vaincu. Le vieillard alla donc le trouver et lui dit : Comment vas-tu ? Il répondit : Bien, père. Le vieillard lui dit : N’as-tu pas eu de chagrin ces jours-ci ? Il lui répondit : Aucun. Le vieillard lui dit : Le Seigneur m’a révélé que tu étais tombé et que tu avais vaincu. Alors le frère lui raconta tout ce qui était arrivé. Le vieillard lui dit : En vérité, ô frère, ta décision a vaincu la puissance de l’ennemi.

51. — Un jeune homme[3] cherchait à quitter le monde ; au moment de partir, ses pensées le retinrent souvent en l’engageant dans diverses affaires, car il était riche. Un jour, au moment où il partait, elles l’obsédèrent, et mirent tout en œuvre pour le ramener encore. Mais il se dépouilla tout d’un coup, jeta ses habits et courut nu aux monastères. Le Seigneur apparut à un vieillard pour qu’il se levât et reçût son athlète. Le vieillard, se levant, alla au-devant de lui, il fut dans l’admiration lorsqu’il sut de quoi il s’agissait, et lui donna l’habit. Lors donc qu’on venait interroger le vieillard sur divers sujets, il répondait ; mais s’il s’agissait du renoncement, il disait : Allez interroger ce frère.

52. — On racontait[4] qu’un frère demeurant dans une communauté était chargé d’aller régler les affaires de tous ; or, dans certain bourg il y avait un séculier qui l’accueillait avec foi lorsqu’il passait par ce village. Ce séculier avait une fille, veuve depuis peu, après deux ans de mariage. Le frère, allant et venant, fut tenté à son sujet. Elle s’en aperçut, car elle

  1. Coislin 127, 85v ; grec 919, f. 151v.
  2. Ibid.
  3. M, 772, n° 67 ; 1028, n° 1, etc. Paul, 48.
  4. Coislin 127, f. 86 ; grec 919, f. 151v.