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Le rapport de la commission nous semble donc, sur plusieurs points, très-attaquable.

On a voulu donner à une race esclave depuis des siècles la liberté illimitée que nous avons conquise après tant de labeurs et de révolutions successives. À nous-mêmes, préparés par le progrès des idées et par la lutte, cette liberté est quelquefois lourde et périlleuse ; voici qu’on l’impose brusquement aux nègres, affranchis d’hier. Dieu veuille que cette race malheureuse ne soit pas sacrifiée cette fois à l’impitoyable logique de nos principes ! Placerons-nous la liberté tellement au-dessus d’elle qu’elle ne puisse y atteindre, et que notre justice tardive soit pour elle, non un bienfait, mais un danger et un malheur plus grand encore ? Nous l’avons trop longtemps oubliée dans les misères de l’esclavage ; ne la livrons pas sans défense aux périls de la liberté ; nous lui devons plus que la liberté, nous lui devons d’abord l’enseignement moral qui apprend à connaître les devoirs, l’instruction de l’âme qui apprend à pratiquer les droits.

Pour inscrire sur le frontispice de notre dernière révolution une liberté de plus, nous n’édifions là-bas que des ruines. Généreuses illusions que l’on ne combat qu’à regret, mais illusions !


28 juillet 1848.

Le deuxième rapport de M. Schœlcher a paru dans le Moniteur du 27 juillet. Il traite de l’organisation des caisses d’épargne aux colonies et de l’immigration.

En ce qui touche les caisses d’épargne, la mesure est des plus louables : seulement, pour créer l’épargne, il faut assurer le salaire, et nous ne voyons guère d’autre source pour le salaire que le capital de l’indemnité. Quoi qu’on fasse, cette question de l’indemnité revient à chaque pas et s’impose, non plus seulement au nom de la justice et de la propriété, mais encore dans l’intérêt de l’affranchissement.