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planteurs et des nègres eux-mêmes, citoyens comme nous, et auxquels l’immigration doit se présenter comme supplément de bras, non comme concurrence.

La spéculation privée pourrait se laisser entraîner à des écarts, à des oublis d’équité et de modération, profitables seulement à ses propres intérêts. En certaines circonstances, la colonie, faute d’armateurs, courrait le risque de n’être pas suffisamment pourvue de bras et de perdre une partie de ses récoltes.

L’État seul, par son intervention directe, est en mesure de conserver à l’immigration son libre arbitre et d’approvisionner régulièrement le travail des colonies.

Il frétera donc des navires, il stipulera les clauses des contrats, il déterminera les prix d’engagement, le taux des salaires, et tiendra la main à ce que toutes les conditions soient exécutées tant par les maîtres que par les engagés.

Le gouvernement anglais, préoccupé trop exclusivement de l’intérêt de la race noire, avait négligé dans le principe de régulariser l’immigration. Depuis quelques années, l’intérêt, jusqu’alors sacrifié, des colons, l’a obligé d’adopter peu à peu le système que nous proposons.

Les contrats souscrits à Singapour pour les Chinois et à Madère pour les immigrants de cette île pourront servir de modèle. On les retrouvera dans les différentes publications mises chaque année sous les yeux du Parlement.

Ce qu’il conviendra surtout de stipuler, ce sera la condition, pour les immigrants, de ne point se livrer, une fois débarqués dans la colonie, à un travail autre que celui pour lequel ils sont engagés. Ce sont des cultivateurs que les colonies demandent, et non un surcroît de population pour le commerce et les autres industries. Nous avons signalé déjà le tort que la concurrence des marchands chinois ferait au commerce indigène. Le gouvernement de Maurice a eu l’idée d’imposer une contribution mensuelle à tout immigrant qui ne serait pas en mesure de justifier de l’emploi de son temps. Le procédé paraît un peu arbitraire, mais le principe est essentiel à maintenir.