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guère consommer que les marchandises fabriquées en France. Les cinq colonies à esclaves nous ont acheté, en 1846, pour 69 millions (commerce spécial).

En retour, elles ont expédié en France pour 57 millions et demi de produits, parmi lesquels le sucre figurait pour près de 50 millions de francs, représentant 78 millions et demi de kilogrammes.

L’ensemble de notre commerce avec ces colonies s’élève donc à 126 millions et demi de francs.

Ce débouché est pour nous des plus importants ; il nous est assuré et ne nous oppose point de concurrence étrangère ; il alimente le travail dans nos manufactures : ce n’est pas au moment où tant d’efforts sont tentés pour organiser et multiplier le travail en France, qu’il serait prudent d’amoindrir les bénéfices que l’industrie métropolitaine retirait de ses anciens marchés.

De plus, les relations d’affaires entre les colonies et la France ont rendu celle-ci créancière de fortes sommes qui seraient infailliblement perdues pour le capital industriel de la métropole, si la production des colonies à esclaves était trop gravement atteinte par l’émancipation.

La concurrence de plus en plus redoutable du sucre de betterave, dont la production s’élèvera, en 1848, à 70 millions de kilogrammes, refoule déjà les sucres de canne. N’oublions pas que la consommation de nos produits sur ces marchés lointains dépend entièrement du développement de la production coloniale[1].


C’est ainsi que, dans l’émancipation, la question sociale qui mérite à coup sûr le premier rang se complique de questions politiques et commerciales, dont la

  1. Les chiffres qu’on vient de donner sur le commerce de nos colonies à culture, sont ceux des échanges directs avec la métropole tels que les établissent nos états de douanes. Or, comme ils représentent des valeurs officielles de 21 ans de date, on peut dire qu’ils exagèrent dans une certaine proportion la somme réelle des échanges. Mais, d’un autre côté, il faut tenir compte de 12 ou 15 millions d’affaires que nos colonies font soit entre elles, soit avec l’étranger, et qui ne figurent pas sur nos tableaux de douanes. Ces dernières opérations, si l’émancipation doit porter atteinte à la production et au commerce de nos colonies, auront nécessairement aussi à en souffrir.