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Nous ne contestons pas ces principes : nous en repoussons les conséquences.

Les pures inspirations du droit naturel n’ont point suffi à la constitution des sociétés : chez tous les peuples, elles ont été plus ou moins altérées par un droit conventionnel qui, s’il n’est point toujours fondé sur la stricte justice, s’appuie du moins sur l’équité et la bonne foi. L’esclavage était un abus cruel, mais, tant qu’il a existé, il a été pratiqué en vertu de contrats réguliers, avec des formes prescrites et des conditions réglementées par des lois françaises. Le Code noir, promulgué sous Colbert, n’est-il pas la reconnaissance explicite et formelle du droit de propriété des blancs ? Tous les jugements rendus par les tribunaux depuis cette époque ne consacrent-ils pas l’existence d’une législation exceptionnelle qui imposait des devoirs en même temps qu’elle constituait des droits ? Nous pouvons réformer cette législation, mais en respectant les contrats particuliers qui se sont accomplis sous son empire et les droits qu’elle a créés. Les colons ont, de bonne foi, acheté et payé leurs esclaves : ils doivent être expropriés pour cause d’utilité sociale, mais non spoliés.

L’exemple de l’Angleterre semble, d’ailleurs, avoir suffisamment tranché ce point de droit. L’indemnité a été accordée dans les colonies anglaises. Nous demandons qu’il en soit de même dans les nôtres.

Comment sera payée cette indemnité ? sur quelles bases ? à quelles conditions ? — C’est une question qu’il appartient au gouvernement de résoudre, après avoir compulsé les faits, débattu équitablement les prix et consulté la situation des finances.

Il nous suffit d’avoir établi le droit des colons à l’indemnité.

Ce point éclairci, nous examinerons successivement les effets de l’émancipation, en tant qu’ils affectent les intérêts de la colonie ou de la métropole.


I. — Intérêt des noirs.


Le passage de l’esclavage à la liberté peut devenir fu-