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comptait environ 3,000 esclaves ; ils retombèrent bientôt dans l’état sauvage, diminuèrent considérablement, et les Séchelles furent perdues.

M. Bellet.— L’effet de l’affranchissement sur la diminution des nègres est très remarquable. L’ile de France, qui, à l’époque de la mesure, en comptait 60,000, n’en a plus que 35 à 40,000 ; 5,000 seulement aujourd’hui s’y occupent de culture.

Girou de Buzareingues.— Les précautions à prendre dans l’abolition me paraissent d’autant plus essentielles, que le travail est organisé chez les nègres de nos colonies. Et il me semble que lorsqu’on a tant de peine à l’organiser chez nous, il ne faut pas le désorganiser ailleurs ; il vaut mieux le régler. Je parle avec d’autant plus d’entraînement, que je me suis beaucoup occupé d’émancipation, et que j’en étais, à une époque, très grand partisan.

M. Delanoue.— Si la France possédait des mines d’or et d’argent, on pourrait lui proposer d’en détourner un filon sur ses colonies à L’occasion de l’abolition de l’esclavage, et de la perturbation financière que cette mesure pourra y entraîner. Comme la France ne possède rien de pareil, comme l’indemnité réclamée en faveur des colons devra être prélevée sur l’impôt, c’est-à-dire sur la sueur et sur le travail de la mère-patrie, il importe d’examiner si cette indemnité est une dette, afin de ne laisser à personne l’arrière-pensée que cette indemnité soit un abus.

La propriété réclamée par les colons sur leurs esclaves est-elle légitime ? est-elle appuyée sur le droit ? est-elle réellement une propriété ? ou bien, au contraire, n’est-elle pas simplement une usurpation de l’homme sur l’homme, une force contre un droit, un attentat à l’humanité, parfaitement inhabile à fonder un droit ? On se contente de poser ici ces questions, sans les développer.

La France ne pourrait être engagée envers ses colonies que dans le cas où elle aurait été complice de la traite et de l’esclavage. Il ne suffirait pas qu’elle eût toléré cet ordre de choses ou même qu’elle l’eût protégé.