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sus du pair, et des pertes pour ceux qui les ont achetées à ce moment et les ont vues redescendre au-dessous du pair. A côté du mouvement de spéculation, il y a eu le déploiement de l’agiotage. Ce n’est pas tout. Il faut songer aux désordres accessoires qui ont accompagné ces désordres principaux : aux dépenses qui se sont faites et à la corruption qui s’est exercée en vue de l’obtention des concessions, à l’espèce de chantage par lequel des concessionnaires de lignes parallèles se sont fait racheter leurs concessions par les lignes existantes, aux luttes acharnées et ruineuses de ces lignes là où la fusion n’a pu s’opérer. Ces crises et ces scandales ont amené pour un temps la défaveur sur les entreprises de chemins de fer qui se sont arrêtées et ne reprendront que pour amener peut-être les mêmes conséquences.

Il faut traiter les questions de science scientifiquement. Or la méthode scientifique, en économie politique appliquée, est de supposer les intérêts privés clairvoyants et de se dire que, s’ils ne le sont pas d’abord, ils le deviendront par l’expérience. A spéculer sur leur aveuglement, on s’expose à des inconvénients certains en vue d’avantages hypothétiques. À ce point de vue scientifique, il faut admettre que les entreprises de chemins de fer seront faites quand elles seront rémunératrices et ne seront pas faites quand elles seront onéreuses, si on les abandonne purement et simplement à l’initiative individuelle. Et ainsi la construction des chemins de fer par l’État et leur exploitation au profit de l’État dans les conditions de monopole a, sur leur construction et leur exploitation par des compagnies privées et au profit de ces compagnies dans les mêmes conditions, cette immense supériorité que, dans la première combinaison, le succès progressif des lignes construites assure la construction des suivantes, tandis que, dans la seconde, le succès ne sert qu’à enrichir une classe parasite de spéculateurs de qui les gains sont sans nulle corrélation avec les chances qu’ils ont courues.

L’école économiste de nos jours, de qui le laisser faire, laisser passer constitue toute l’économie politique et toute la science sociale, ne manquera pas de faire à la construction et à l’exploitation des chemins de fer par l’État l’éternelle objection tirée de la prétendue incapacité de l’État à faire aucune