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pourrait considérer toutes ces lignes comme formant un réseau d’ensemble, et, sans réduire tout de suite les tarifs sur les premières qui feraient plus que leurs frais, en construire et en exploiter d’autres qui ne feraient pas encore tout à fait les leurs, les bénéfices réalisés sur les unes servant à couvrir les pertes essuyées sur les autres. Il suffirait que les bénéfices et les pertes se compensassent. L’État serait alors dans la position de ces agriculteurs qui perdent sur le bétail et gagnent sur la culture. « Combien d’établissements sidérurgiques, a dit M. Demongeot, ont gagné sur la fonte et perdu sur l’affinage et réciproquement, ou perdu sur la forge et gagné sur les ateliers de construction.[1] » Mais, toutefois, dans le second mode comme dans le premier, l’exploitation serait faite, en un sens, à prix de revient.

Dans le premier mode, les transports seraient à plus bas prix et l’achèvement du réseau des chemins de fer un peu moins rapide dans le pays. Dans le second, les transports seraient plus chers et l’achèvement du réseau plus rapide. Si l’on ne considérait les chemins de fer que comme un capital industriel donnant aux marchandises la façon du transport, peut-être faudrait-il s’en tenir au premier mode. Si l’on fait intervenir, au contraire, le point de vue des services publics, il ne semble pas douteux qu’il convienne d’adopter le second. Remarquons, d’ailleurs, que les chemins de fer étant un moyen puissant d’ouverture de débouchés, et par cela même un énergique stimulant de la production économique, hâteraient eux-mêmes le progrès qui d’infructueux les rendrait fructueux ou de déjà fructueux plus fructueux encore. Remarquons aussi que le prix de bénéfice maximum, sur toutes les lignes, irait en s’abaissant constamment par suite de l’accroissement du débit ou de la consommation.

Telles sont les deux combinaisons avantageuses entre lesquelles on peut choisir si on remet le monopole des chemins de fer à l’État : bas prix des transports ou rapide achèvement du réseau. Que si, au contraire, sous prétexte de liberté de l’industrie, on laisse ce monopole aux mains de compagnies particulières, qu’arrivera-t-il ? Ces compagnies

  1. Les clauses financières des conventions passées entre l’État et les six grandes compagnies de chemins de fer. - Journal des Actuaires, t. III, p. 386.