Page:Revue de Paris - 1932 - tome 6 - numéro 23 (extrait).djvu/4

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Adrien, tu me fais peur !

Elle fit un saut de côté, regarda autour d’elle et se signa, toute pâle.

— Allons, tranquillisez-vous, — dit Adrien, plus calme. — Je serai sage. Mais, croyez-moi, j’avais raison quand je vous disais que toute ma force me vient de vous. Ce que j’ai réussi aujourd’hui, je l’ai fait en pensant à vous et à un homme que j’aime. C’est seulement en pensant à quelqu’un, en aimant quelqu’un, que je peux faire des choses merveilleuses. Moi, tout seul, je ne vaux rien. Ce sont les autres qui me grandissent.

Anna ne comprenait goutte à tout ce qu’il racontait, mais elle était contente de le voir redevenir tel qu’elle le connaissait. Un moment, elle l’avait cru véritablement fou.

Adrien ne fit plus attention à elle, ni au magnifique marché de ce matin-là, qui lui sembla stupide. Il songeait à Avramaki, auquel la préfecture avait accordé trois jours pour liquider ses affaires et s’en aller. Aujourd’hui, à midi, c’était l’expiration de ce délai. Il brûlait de savoir ce qui se passait rue Grivitza. Devinerait-on que l’article était de lui ? Certainement ! Ainsi, leur secrétaire chassé de la ville, les syndicalistes sauront qu’un autre camarade qu’on ne peut pas chasser, veille sur eux avec l’appui d’un grand journal. Car Adrien était maintenant convaincu que Dimineata accorderait dorénavant dans ses colonnes l’hospitalité aux doléances des travailleurs du port en lutte avec les vatafs.

Cette conviction devint certitude, à son retour du marché. M. Max appela Anna à son bureau :

— Regarde, — dit-il, lui montrant l’article et une lettre émanant du Cabinet du directeur de Dimineata. — Il y a ici un très important article qui nous concerne, signé Azog. Et voici une lettre que le directeur de ce journal adresse à notre Adrien. Ne trouves-tu pas que Azog et Adrien Zograffi sont une seule et même personne ?

— Comment ? — fit Anna, rouge de plaisir. — Tu crois que c’est Adrien qui a écrit ça ?

— Sans nul doute ! Et tout est si bien dit, que j’ai envie d’aller l’embrasser. Ça se voyait bien que ce garçon n’était pas un simple domestique. C’est même un jeune homme plein