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LA MAISON THÜRINGER[1]


Le soir de ce jour, Adrien accourait chez Avramaki :

— Je peux te dire ce qui s’est passé dans le cabinet du préfet, après ton départ : tu seras, incessamment, renvoyé dans ta ville natale ! Que vas-tu faire ?

— Rien. C’est parfait. Du reste, je m’y attendais. C’est le premier et le plus doux des moyens que la bourgeoisie possède dans son arsenal répressif, contre la classe ouvrière organisée.

— Mais c’est le fruit de trente années d’existence dans cette ville qu’on t’enlève ! À Foscani, tu seras aujourd’hui un étranger. Tu passais déjà pour tel au temps où ton oncle te caressait avec la tringle rouge et le marteau.

— C’est la vie du militant révolutionnaire. Il faut savoir souffrir pour ses convictions.

— Bon ! — dit Adrien, se levant. — Je m’en vais.

— Reste encore un peut

— Non ! J’ai une idée. Elle me brûle ! Au revoir, à demain.

— Ne fais pas de bêtises ! — lui lança le cordonnier.

Adrien alla s’enfermer dans sa chambre, où il passa la moitié de la nuit à écrire un long article et une lettre.

Il vivait à cette époque un homme de grand caractère, journaliste de belle race, Constantin Mille. Il avait été de la phalange des coryphées socialistes, et, après la vilaine trahison de ceux-ci, il se jeta, secondé d’une poignée d’idéalistes, dans

  1. Voir la Revue de Paris des 1er, 15 octobre et 1er et 15 novembre.