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demain, le port reprenait sa fébrile activité, au chant de l’Internationale.

Mais cela allait bien mal.

Un terrible coup venait d’être porté au commerce de céréales. L’immobilisation totale, pendant quinze jours, du premier port d’exportation du pays, au moment même où des dizaines de milliers de wagons de grains se dirigeaient vers lui, par voie d’eau et par chemin de fer, avait causé des pertes irréparables. La marchandise vendue et livrée par le producteur, ne pouvant trouver son écoulement naturel, dut être jetée là où les événements l’avaient immobilisée. Petits ports danubiens et gares minuscules se voyaient encombrés de gros stocks de céréales, chargées dans des sacs ou versées sur des bâches. On les couvrait sommairement avec quelques nattes et on les abandonnait, exposées aux vols et aux intempéries.

Ainsi, il y eut toute une récolte endommagée par les pluies. Or, dans les longs transports maritimes, les grains ne supportent pas plus de 18 à 20 p. 100 d’humidité. Cette proportion dépassée, ils fermentent, moisissent, ou, pour employer le terme consacré, s’échauffent, augmentant parfois de volume au point que le navire risque de voir ses tôles se disloquer es pleine mer.

Pour remédier, en partie, à ce grand mal, il fallait procéder au dessèchement de toute cette quantité de céréales, opération qui doit se faire à la pelle et au soleil, et dure des semaines. Au milieu d’octobre, cela devient impossible. On l’avait tenté, forcément, sous un ciel de plomb, mais les bruines fréquentes rendirent les résultats peu appréciables. De là, réduction des affaires, défection des engagements, procès, faillites.

En novembre, alors que d’habitude, le travail d’exportation battait son plein, le port somnolait dans la tristesse. Et le 6 décembre, jour où les compagnies d’assurance cessent de garantir la navigation fluviale, les derniers navires chargés prirent le chemin de la mer Noire, fuyant le risque du gel. Le port prit alors la physionomie hivernale, avant d’avoir pu vomir les milliers de tonnes de céréales que l’humidité anéantissait dans les entrepôts et sur les quais.