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magés. La plupart des entrepôts de blés virent leurs tuiles et même des toits entiers voler comme des brindilles. Quant aux marchandises versées à même le sol, maïs, haricots, pois, orge, avoine, seigle, millet, froment, elles baignèrent bientôt dans une vaste mare.

Ce jour-là, les syndicalistes allèrent en masse porter de gros cierges au Seigneur et le remercier pour son aide, encore plus efficace que celle de l’« Internationale ». Car, c’était là un désastre qui faisait déborder la coupe de malheurs dont étaient abreuvés, depuis quinze jours, tous les exportateurs de Braïla. Ses conséquences n’allaient pas tarder à se faire sentir parmi eux.

Le lundi suivant, troisième lundi de grève, le port avait l’aspect d’une ville dévastée et abandonnée. Une centaine de pauvres clochards, recrutés en toute hâte, déambulaient impuissants à travers une épaisse pâte de céréales qui couvrait une étendue de quelques hectares, alors qu’il eût fallu mobiliser immédiatement des milliers de bras capables de travailler au milieu de cette masse de grains abîmés dont la récupération devenait maintenant une très grosse question. C’est ce qu’on dut faire, ce matin-là.

À l’insu et par-dessus la tête des autorités, qui s’étaient arrogé le droit de mener les pourparlers, les frères Thüringer, Carnavalli et bon nombre d’autres armateurs rompirent la consigne et demandèrent à l’organisation syndicale de prendre en mains la formation et la direction des équipes de travail. C’était écarter purement et simplement une partie des vatafs.

Le comité de grève demanda s’il fallait accepter cette demi-victoire ou la repousser. Adrien plaida pour le compromis. Cette rude défaite des autorités obligerait celles-ci de tirer leur épingle du jeu. Alors la lutte serait plus facile. Avec un syndicat reconnu par les armateurs et une bonne moitié des vatafs évincée, on aurait raison de l’autre moitié à la première occasion. Du reste, il était fort possible qu’ils fussent écartés sans combat, car les maisons d’exportation ne manqueraient pas de s’apercevoir rapidement des avantages qu’elles auraient à travailler avec les délégués des syndicalistes.

On signa les contrats, dans l’après-midi même. Et le len-