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voir, par exemple, nos débardeurs ne plus s’entre-tuer, ni assommer leurs femmes, ni se soûler crapuleusement, ainsi qu’ils font aujourd’hui ? Voilà une amélioration de la pâte humaine. C’est tout et c’est énorme ! Je donnerais volontiers ma vie et ma liberté pour contribuer à cette amélioration de l’homme. Même je viens te demander si tu ne veux pas prendre l’initiative de la création d’un syndicat ouvrier mixte, à Braïla.

— Il existe, ce syndicat mixte.

— Depuis quand ?

— Depuis deux mois.

— Tu en es ?

— Bien entendu. C’est toi qui n’en es pas.

— J’en serai, pas plus tard que demain. Je m’inscrirai, comme peintre en bâtiments, car je retournerai bientôt à mon barbouillage. Y a-t-il quelque autre peintre ?

— Il y a Costa et Pamfil.

Adrien fit la moue

— Ça va pour Pamfil, mais Costa. Mouchard. Joueur enragé. Menteur. Et avec ça plein de prétentions, parce qu’il a été du premier mouvement socialiste. Connais-tu les bases de la social-démocratie ou le programme d’Erfurt ? Voilà sa question éternelle, celle qu’il pose, avec ou sans à-propos, à tous ceux qui, comme lui-même, ignorent ces « bases » ou ce « programme ». Non. Je n’aime pas ce type !

Avramaki poussa un gros soupir

— Mon cher Adrien, tu fais fausse route ! Dans un mouvement de masses, on n’aime pas toujours ses camarades, mais là n’est pas la question. Nous ne faisons pas du christianisme, et nulle part la doctrine socialiste ne dit « Aimez-vous les uns les autres », mais Organisez-vous ! Soyez solidaires ! Renversez le capitalisme et bâtissez la société communiste !

— Avec qui bâtir cette société ? Avec les hommes, tels qu’ils sont ?

— Parbleu ! Tu ne voudrais pas que chacun s’en fabrique à son image ?

— Et la moralité ?

— On en exige de tous les camarades. Ceux qui n’en ont point, sont jetés par-dessus bord, et c’est tout. On va de