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hommes responsables, délégués par le syndicat, peuvent facilement les remplacer. Si vous y souscrivez, je me charge du reste.

— Nous y souscrivons tout de suite ! — s’écria Carnavalli.

L’homme du gouvernement baissa la tête, rouge de colère

— Vous êtes un peu pressés, messieurs. C’est moi qui traite ici.

« Je le savais bien, pensa Avramaki. Il y a des raisons politiques ! »

Le préfet le congédia :

— C’est très bien, monsieur le secrétaire. Nous y réfléchirons.

Et quand le cordonnier eut fermé la porte :

— Pourquoi ne me laissez-vous pas faire ? — dit-il aux armateurs. — Pour vous, les vatafs c’est une quantité négligeable. Pour nous, ils font la pluie et le beau temps dans la politique du département, car ces ignares-là sont tous des hommes fortunés et chacun d’eux possède sa dot électorale. Tandis que les débardeurs… Vous savez que chez nous, toute la paysannerie, ainsi que le citadin qui n’est pas propriétaire d’un immeuble, qui ne possède pas son certificat d’études primaires, vote par délégation, c’est-à-dire, il faut cinquante paysans ou autant de débardeurs pour donner droit à une voix ! Vous comprenez, maintenant ? Ce n’est pas facile.

— Vous est-il plus commode, — demanda Max Thüringer, — de renoncer à cette unique voix des cinquante débardeurs, en fusillant tous les votants par délégation ? Elle sont jolies, votre loi électorale et votre politique ! Mais cela vous regarde. Cependant, nous n’admettons pas d’en faire les frais, dans ce conflit. Il nous faut les élévateurs, qui sont là avec l’autorisation du gouvernement.

— Je me fais fort de les mettre à votre disposition, sans toucher aux vatafs. Je toucherai, en revanche, à ce cordonnier improvisé secrétaire, qui n’est pas de notre ville et que j’expédierai dare-dare à son pays d’origine. Après quoi, les débardeurs seront plus sages. Croyez-m’en !

panaït istrati
(La fin dans le prochain numéro.)