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même Anna lui élargissait tous les horizons de l’esprit, gardant cependant pour elle le secret de cette force qui le rendait apte à embrasser l’univers.

Elles lui étaient nécessaires, plus que ses yeux. Et puisqu’elles étaient femmes, bénie soit la femme ! Sans elle, l’homme ne vaut pas même un oignon gelé !

Quand, à six heures, les premiers fournisseurs vinrent apporter le lait et les petits pains, Adrien avait fini tout son travail. La maison était encore plongée dans le sommeil. Alors il eut une idée qui lui brûla le visage : préparer vite le petit déjeuner pour Julie et le lui servir au lit !

Ce fut fait, quelques minutes avant que le réveil eût sonné six heures et demi. Adrien posa doucement le plateau sur une chaise, près du chevet de Julie, qui dormait, la couverture rejetée. Oh, oui, elle était belle, la première maîtresse de sa vie ! Encore plus belle, telle qu’elle était dans le lit, que lorsqu’elle s’habillait et se fardait pour sortir. Il appréciait surtout la blancheur de sa chair jeune et lisse.

Il regarda autour de lui, examinant la pièce en détail, et trouva que la réputation de propreté de la femme hongroise était justifiée.

Soudain, le réveil se mit à sonner. Julie sauta hors du lit, vit Adrien, se couvrit, honteuse, et, regardant l’heure, éclata en sanglots :

Pourquoi m’as-tu fait ça, Adrien ? Six heures et demie ! Et ma salle à manger ! Et mon feu ! Et le café ! Qu’est-ce que je t’ai fait de mal, pour vouloir ainsi me compromettre aux yeux de Madame ?

Et croyant qu’Adrien souriait par moquerie, elle ouvrit la bouche pour l’invectiver, mais son regard tomba sur le beau plateau, garni de café fumant, de petits pains et même d’un œuf à la coque :

— Pour qui est-ce ? gémit-elle, dépitée.

— Pour qui veux-tu que ce soit, ma Julica, puisque c’est dans ta chambre ? Ton travail est fait. Et les patrons dorment. Que te faut-il encore ?

Elle ne voulut pas en croire à ses oreilles, mais l’aspect d’Adrien, le buste en nage et sentant la térébenthine, plaidait