Page:Revue de Paris - 1932 - tome 5.djvu/763

Cette page a été validée par deux contributeurs.

parfois, une sottise. Il lui arrivait même d’en placer à bon escient. Mais Adrien savait distinguer la sottise de l’homme intelligent, de celle de l’homme né stupide.

Il voulut savoir à quel stade en était ce flirt. En retournant à la maison, toujours par le grand boulevard, il questionna Anna :

— Depuis combien de temps vous fait-il la cour, votre professeur ?

— Depuis ce printemps, deux mois environ. Mais pourquoi l’appelles-tu mon professeur ? Je t’ai dit que nous n’avons jamais encore causé ensemble. Il m’a seulement écrit une fois, pour me demander un rendez-vous.

— Lui avez-vous répondu ?

Elle se rebiffa :

— Dis donc ! Tu oublies, que je porte un des noms les plus estimés de la ville !

Adrien pensa :

« Si c’est la seule raison qui t’en a empêchée, tu es fichue ! »

La maison des Thüringer, bureaux et habitations, formait un grand rez-de-chaussée, comme la plupart des maisons de Braïla, où presque chacun possède son « hôtel particulier », somptueux, médiocre ou pouilleux. La façade de cette maison donnait sur la rue du Jardin public, l’autre côté sur le jardin même. Elle était flanquée, à gauche, de la cour des maîtres ; à droite, de celle de service. On ne pouvait accéder à la maison qu’en pénétrant d’abord dans une de ces deux cours. Ni les bureaux, ni les habitations n’avaient de communication directe avec la rue.

Adrien mit tout un jour pour se familiariser avec l’intérieur de cette bâtisse, appartements, bureaux et dépendances. Puis, dès le lendemain, avec une passion peu commune, il voulut prendre toute la maison sur ses épaules. Ce n’est pas qu’il fût ce qu’on appelle un grand travailleur. Nullement. Il pouvait plutôt passer pour un flâneur. Mais il y avait certaines tâches, rétribuées ou non, pour l’accomplissement desquelles il se serait tué ; d’autres, qui le laissaient froid et