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originale, mais avec tout cela elle me fait l’effet de n’avoir ni sens, ni enthousiasme, ni tendresse. Et puis elle parle d’histoire, philosophie, religion, politique, avec une abondance froide et une érudition frivole, et tout d’un coup elle vous quitte pour aller donner à téter à son enfant. Un enfant qui, dit-elle, est laid, gros, fort et méchant, comme la passion brutale qui l’a procréé.

Madame… écrivait d’Italie, l’an dernier, à M… en post-scriptum d’une longue lettre consacrée à demander des robes et des chapeaux : « À propos ! j’oubliais de vous dire que je suis accouchée à Rome le mois dernier d’un garçon que j’y ai laissé. Madame… en a fait autant de son côté. »

Il y a pourtant cette différence que Madame… emporte ses enfants, les nourrit, les élève et leur donne son nom, son temps et sa vie. Tandis que l’autre les abandonne, les oublie, les fait élever dans un taudis, tout en vivant dans le velours et l’hermine, ni plus ni moins qu’une femme entretenue, et ne s’occupe de sa progéniture, non plus que d’une portée de chats.


17 janvier 1840.

Que se passe-t-il donc dans l’esprit de ceux qui repoussent la vérité ? Enseigne-le moi, mon Dieu ! afin que j’apprenne à les connaître. Mais par quel endroit peut-on saisir le cœur que défend le mur d’airain, le bouclier de glace du préjugé ? Est-il donc des hommes pour qui sortir du sentier de l’erreur est un effort impossible ? Est-il un âge après lequel l’esprit ne se corrige et ne se modifie plus ? Que les natures lâches et viles, que les âmes basses et corrompues haïssent instinctivement le vrai et le juste, c’est dans l’ordre ; mais lorsqu’on voit des cœurs purs et nobles et des esprits qui semblent justes à beaucoup d’égards se fermer devant une démonstration claire et attachante fondée sur une science qu’ils ne peuvent point nier, inspirée par un sentiment dont ils reconnaissent la justice et la grandeur, que doit-on penser de la nature humaine ? Je ne puis croire semble le dernier mot de ce temps-ci. Faut-il qu’il en soit ainsi dans les desseins de la Providence ? Veut-elle donc détruire jusqu’à la racine de la religion et de la morale du passé qu’il ne puisse point se trouver de milieu entre