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— Comment ! Un cahier si rare, si précieux, si important ?

— Sans doute, un cahier aussi bien relié que bien rédigé, un cahier dont le contenu est aussi précieux que le contenant, l’esprit aussi remarquable que la couverture.

— Vous plaisantez, c’est un petit chef-d’œuvre.

— À qui le dites-vous ?

— Que l’eussé-je trouvé ! Je ne vous l’aurais pas rendu !

— Que diable en auriez-vous fait ?

— Des autographes pour mon album et celui de mes amis (ou amies).

— Qu’est-ce que c’est que ça, des autographes ?

— Ce sont des fragments d’écriture manuscrite de différents auteurs, artistes, gens de lettres, hommes politiques, philosophes ou assassins marquants.

— Très bien, j’en ai aussi, mais à quoi cela vous sert-il ?

— Cela sert à montrer qu’on en a.

— Ah ! très bien, très bien !

— Mais vous, à quoi cela vous sert-il ?

— Cela me sert à juger le caractère des personnes d’après leur écriture.

— Et vous réussissez ?

— D’autant mieux que je sais d’avance ce que l’écriture me confirme.

— Vous plaisantez ?

— Jamais.

— Que diriez-vous de la vôtre propre ?

— Qu’elle n’est pas propre !

— C’est un mauvais calembour. Voyons, sérieusement.

— Voilà une écriture bien fatiguée !

— Par conséquent ?

— Par conséquent, c’est celle d’une personne fatiguée.

— Voilà tout ?

— N’est-ce pas beaucoup ?

— Mais fatiguée de quoi ?

— Ne peut-on pas être fatiguée de beaucoup de choses ? fatigué de se lever tous les matins et de se coucher tous les soirs ? d’avoir chaud tout l’été et froid l’hiver ? de recevoir toujours des questions et jamais aucune qui vaille la peine qu’on y réponde ?…