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Dans l’état lucide, s’habituer à prévoir que le délire reviendra, afin de pouvoir conserver dans le délire la conscience du prochain rassérènement.

S’accoutumer à n’être pas dupe de son mal.

Entretenir avec grand soin la santé physique, manger peu et souvent, ne pas négliger les toniques si le corps y est habitué, ne pas en adopter l’usage si on ne l’a pas. Ne pas se laisser pleurer, les larmes débilitent et la prostration qu’elles amènent est suivie de réactions violentes et de mauvaises résolutions.

Surtout, surtout, ne jamais donner accès à la colère et à la vengeance. Ce sont de fausses dépenses de la force. Quelquefois, malgré la bonté naturelle, on s’imagine qu’en se livrant à la fureur, on épuiserait l’énergie de la souffrance, mais la fureur alimente la fureur, comme les larmes alimentent les larmes. Les sources du bien et du mal sont intarissables. Erreur et folie de croire qu’on dort. Ménager les unes et laisser déborder les autres. Ne proscrivons cependant pas certaines larmes, celles de l’attendrissement et de la bonté. Lorsque, après des pensées de haine et des désirs de vengeance, nous sentons que la douceur et la miséricorde l’emportent en nous, une émotion qui n’est pas sans charmes est comme la récompense de cette victoire. Dieu nous l’envoie, acceptons-la et n’en craignons pas l’excès.

Hélas, nous n’avons ni souvent, ni longtemps le droit de nous réjouir en nous-même.

Ne comptons pas trop sur nos forces et pourtant n’en doutons jamais !

Prier souvent, mais humblement, avec l’espoir et non la certitude d’être exaucé, car demander ce dont on a besoin n’est pas un acte plus méritoire que de désirer boire quand on a soif. Qui n’a souhaité vivement d’être délivré de son mal ? Qui n’a crié dans la détresse : Seigneur, Seigneur ! exaucez-moi ? Est-ce assez pour être entendu ? À ce compte nous ne souffririons jamais ! Nul homme n’aurait le droit de douter, nul n’aurait de mérite à croire.

Dieu n’est pas une essence à part nous. Il n’est pas plus un foyer de lumière élevé au-dessus des cieux, comme le soleil au-dessus de la lune, qu’il n’est le pain consacré dans le