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je t’appelle. Qui te donne cette confiance dans ma force, et quel amour comptes-tu donc trouver en moi pour supporter et secourir ta faiblesse ? Ce pli de ma manche ou tu te réfugies n’est pas ton nid, cette main qui t’offre la nourriture n’est pas le bec de ta mère. Tu ne peux te tromper si grossièrement. Tu n’as pas déjà perdu le souvenir de ta famille. Tu entends encore ta mère éplorée qui t’appelle et te cherche sur toutes les branches des arbres voisins ; si elle osait elle volerait jusque sur cette fenêtre, si tu pouvais tu irais la rejoindre, car, je le vois, tu reconnais ses cris, par ton bel œil noir qui semble prêt à répandre des larmes ; ta petite tête encore chauve se tourne de tous côtés avec inquiétude et de ton sein s’échappent de faibles plaintes. Pauvre enfant, créature si frêle que la nature semble s’être jouée d’elle en lui donnant l’être. Il y a pourtant, dans cet atome emplumé, une parcelle d’intelligence et d’amour. Il y a de la divinité en toi, fauvette de huit jours ! Tu regrettes ta mère, et tes frères, et ton père, et ton nid, et ton arbre ; et une pâture plus agréable et plus propre à ton organisation délicate que celle que je puis te donner. Tu regrettes, car tu es triste, tu te souviens, car tu réponds à la voix du dehors qui t’appelle et tu regardes la fenêtre avec inquiétude. Tu aimes, puisque tu regrettes, puisque tu désires, et pourtant tu te soumets et ta faiblesse intelligente se réfugie dans ma bonté, accepte mes soins et sait les solliciter par un air de confiance et d’abandon qui désarmerait le cœur le plus dur. Tu n’es pas belle, pourtant, ta robe cendrée n’a ni éclat ni vanité, tes plumes inégales, les pennes de ta queue encore roulées dans leur étui de pellicule, ton duvet hérissé, te donnant une si pauvre apparence que le premier mouvement que tu inspires est une chiquenaude.

Mais la nature a voulu départir l’intelligence à ceux-ci, la bonté à ceux-là. Tandis que mon vanneau promène sans but et sans volonté d’un air stupide sa robe d’émeraudes, et son aigrette élégante, toi, avorton, quasi sans forme et sans couleurs, tu interprètes mes moindres mouvements et tu sais donner à ton extérieur toute l’expression nécessaire pour que je devine tes moindres désirs.

N’est-ce pas une chose sainte, une loi de nature, que cet amour de la force pour la faiblesse ? C’est ainsi que la femelle