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qu’ils parlent de ce qu’ils ne comprennent pas ou comprennent mal. Ridiculiser sans pitié leurs appétits de domination. Ridiculiser également leurs lâches découragements, prétexte de leur paresse. Leur faire savoir qu’on les chérit, mais leur faire de bonne heure comprendre qu’il y a dans l’amour des parents et des vieux amis des espèces bien différentes. L’affection d’instinct, d’habitude, de commisération qui est à toute épreuve et qu’ils retrouveront toujours quelles que soient leurs fautes, parce qu’ils ont affaire à des âmes généreuses, dévouées, fidèles. L’affection d’estime, de confiance, de choix, qui fait qu’on les emploiera selon leur mérite, et qu’on les traitera comme les charges ou les soutiens de famille, selon leur faiblesse ou leur force, leur dévouement ou leur égoïsme. Cette émulation est la seule belle. Celle des collèges, qui tend à enlever à autrui un vain honneur public en paradant une ovation risible, est le plus méchant sentiment qu’on puisse faire éclore dans l’homme. L’enfant qui triomphe de la défaite de ses camarades, et qui se fait une joie d’être couronné en public pour une ligne de plus dans la hauteur de son crâne, ne sera jamais qu’un poète jaloux, un artiste envieux et sournois, un député infatué de niaise popularité, un employé bouffi de son importance, un faux légitimiste, un faux doctrinaire, un citoyen sans esprit de fraternité, dévoué à la Patrie en raison des récompenses qu’il en obtiendra, un orateur plus désireux de bien dire que de prouver le bon principe, un agriculteur plus occupé d’aligner des arbres et d’étaler un bétail d’apparat que d’améliorer ses terres et naturaliser les races vraiment propres au terroir, en tout, un homme sans conscience, sans bonté, sans vraie dignité, utile à soi seul tout au plus, inutile partout, nuisible aux autres, malheureux, si la vanité n’est pas satisfaite par un succès proportionné à ses appétits, méchant, despote, injuste, si elle l’est.


21 juin.

Il faut attribuer à ce débordement de vanité dont le système d’émulation et les mutations sociales ont infesté le siècle, la tristesse sombre dans laquelle tant de jeunes gens végètent accablés. Certains critiques nous signalent naïvement l’auteur de Werther et de Faust, celui de René, celui de Lara et de