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à la gaîté, ni à la tristesse. Il est au mécontentement. Un vent inégal et fantasque secoue les arbres. Le soleil est voilé. Il fait chaud si on met la robe de chambre, il fait froid si on l’ôte. Jour terne où je ne ferai rien de bon. Cerveau fâché et fatigué ! Je viens d’avaler du thé pour en finir plus vite avec cette disposition apathique en la portant à son paroxysme. Je n’ai pas reçu de lettre d’Everard. Il boude ! Heureux homme, qui estime quelque chose digne de sa rancune !


en me couchant

J’ai fait à Duteil[1] la théorie du mécontentement depuis minuit jusqu’à une heure. Je me suis mis en colère contre lui parce qu’il a voulu me soutenir qu’il était heureux presque à toutes les heures du jour. N’est-ce pas bien révoltant en effet de se voir traité de fou par ceux qui ne souffrent pas ?


en me couchant


2 juin

Piffoël a fait cinq lieues à pied. Du moment que la vie est supportable, il n’y a pas à l’examiner. On gâterait un jour de calme en y regardant de près. Ne serions-nous jamais gouvernés que par un sentiment qui est comme l’œil à travers lequel nos idées nous apparaissent et qui seul apprécie toutes choses, tandis que la raison rectifie très faiblement les erreurs de cette vision ?


midi


3 juin

Jour magnifique. Soleil splendide, règne de la couleur. Trois grands tilleuls dont je vois de mon lit les cimes touffues, sont le miroir où je consulte le temps en m’éveillant. Leur vaste rideau de feuillage et un peu de ciel, c’est tout ce que je vois de là, mais cela suffit à me faire savoir le degré de l’atmosphère avant que la fenêtre soit ouverte. J’y ai observé des effets de vent qui sont encore inexplicables pour moi et qui me feraient croire à l’existence des Esprits de l’air, comme à celle d’êtres fort capricieux. Je vois aussi, dans la teinte de leur belle verdure, l’intimité des rayons du jour à travers

  1. Ami berrichon de George Sand.