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LA REVUE DE PARIS

LORENZO

De personne désormais. Je n’ai plus d’ennemis, et mon cœur est toute miséricorde.

CATTERINA

Moi aussi. Je ne hais qu’un seul homme.

LORENZO

Nomme-le.

CATTERINA

Ton Duc barbare et grossier ! Croirais-tu qu’hier, en passant sous ma fenêtre, il a eu l’audace de m’envoyer un baiser ?

LORENZO

Il ne le fera plus. Viens voir.

CATTERINA

Voir quoi ?

LORENZO, l’entraînant vers le lit.

Viens, te dis-je.

CATTERINA

Cette chambre est un lac de sang ! Tu en fais jaillir sur ma robe à chaque pas. Cela est horrible ! Laisse-moi m’en aller ! J’ai encore plus peur ici.

SCORONCONCOLO

Madonna, ne l’écoute pas. Sa tête s’est égarée !

LORENZO

Non, Catterina ! J’ai toute ma raison. Je veux te montrer, sur ce lit, notre ennemi, cet homme terrible, ce tyran qui dévorait les citoyens, un cadavre maintenant.

CATTERINA

Laisse-moi ! Grand Dieu ! Tu me fais peur. Ma mère ! Ô ma mère !

LORENZO, avec un rire infernal.

Regarde-le, te dis-je. (Il ouvre le rideau.) Je ne t’ai pas menti. Le voilà bien ! C’est moi, moi, qui l’ai tué !

CATTERINA, criant.

Horreur ! Un assassinat ! Un cadavre ! Quel rêve affreux ! (Elle se jette dans le sein de Lorenzo et cache son visage dans ses mains.)

LORENZO

Écoute, Catterina. Cet homme, que tous maudissaient, aucun n’a osé le frapper, et c’est Lorenzo, qu’ils appelaient Lorenzaccio, qui seul a sauvé la patrie. Comme Brutus, il a su feindre. Il a tendu le piège où cet infâme est venu se briser.

CATTERINA

Laisse-moi fuir. Je me meurs. C’est un assassinat !