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UNE CONSPIRATION EN 1537

LORENZO

Toujours à Venise. Mais, sur mon invitation, il doit rentrer ici mystérieusement et y travailler au prétendu complot que j’ourdis contre Votre Altesse.

LE DUC, prend la lettre et lit.

En vérité, il viendra !

LORENZO

Aussitôt qu’il sera caché dans cette maison, je le livre à la vengeance de mon maître.

LE DUC

Bon Lorenzino ! Oh ! me défaire de cet ennemi acharné ! — Et ce Benedetto Varchi ?

LORENZO

Voici sa réponse.

LE DUC, lisant la lettre.

« Alexandre, chargé d’iniquités, tombera sous la vengeance publique. Il n’est pas besoin de mon concours. Par état, je répands l’encre et non le sang. » Est-ce qu’il se méfierait de toi ?

LORENZO

Je ne le pense pas. Quand cela serait, il ne tombera pas moins dans mes filets.

LE DUC

Et ce Giovanni della Casa, qui répand, dit-on, dans Florence, des hymnes à la liberté ?

LORENZO

Un exalté, un jeune fou, mais point dangereux, et amant du plaisir avant tout.

LE DUC

Faisons-lui grâce, s’il est libertin, car nous le sommes aussi. Tu le sais, Lorenzino ? (Il regarde autour de l’appartement.) Mais pourquoi ai-je trouvé cette maison vide de femmes ? Il y en a quelquefois aux fenêtres et leur regard enchaîne longtemps celui qui passe dans la rue.

LORENZO

En effet, ma mère fut renommée pour sa beauté. Mais Votre Altesse l’a vue de loin, et la bonne dame ne l’est aujourd’hui que pour sa vertu.

LE DUC

Par saint Cosme ! Il s’agit bien de ta mère ! Elle n’est pas seule ici. Dis-moi, où est ta sœur ?

LORENZO

Ma petite sœur ?

LE DUC

Pourquoi la faire si petite ? Elle a bien quinze ans. Ce n’est pas mon œil exercé qui s’y tromperait.

LORENZO

En vérité, c’est un enfant.