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UNE CONSPIRATION EN 1537

C’est un but noble et généreux, qui vous rend toute notre confiance. Nous savons bien que vous ne démentirez pas l’illustre sang des Soderini, dont vous sortez, et celui de cette branche des Médicis, qui eut pour souche le grand Cosme et que le peuple, dans son affection, a surnommé Popolani…

LORENZO, bâillant.

Ah ! Laissez ma généalogie, Monsieur de la République. Plus patriote que vous, je ne fais aucun cas du préjugé de la naissance, et je vous trouve fort imprudent de venir confier vos projets au favori d’Alexandre, sur la seule garantie que ce favori est le fils de son père, garantie dont, au reste, l’homme sage devrait toujours se méfier.

BINDO

Votre scepticisme impie me fait rougir de vous, Lorenzo. Ce n’est pas sur ce ton caustique et frivole que vous devriez répondre à des offres aussi sérieuses. Depuis longtemps vous nous laissez dans un doute pénible sur vos véritables sentiments à l’égard d’Alexandre. Songez que, si vous ne prenez enfin un parti, nous vous soupçonnerons d’avoir favorisé le complot, afin de nous trahir, en nous caressant. Songez aussi qu’une nouvelle carrière s’ouvre devant vous et qu’au lieu d’être le courtisan d’un monstre détesté, vous pouvez devenir le chef d’une république puissante.

LORENZO

Le chef d’une république, moi ? Oh ! il y a ici un imbroglio très compliqué. Plaît-il à Vos Seigneuries que je l’éclaircisse pour l’avantage des deux parties ? — Primo, à vous, Seigneur Altoviti, je dirai : que vous aimeriez à placer un homme de votre choix à la tête du gouvernement, que peut-être cette cour opulente et licencieuse choquerait moins vos principes d’économie et d’austérité, si vous y occupiez un rang digne de votre naissance et de votre ambition. Mais vous comptez sur l’appui de la famille Capponi et sur l’assentiment des familles bourgeoises de Florence ; et vous tombez dans une grave erreur, car voici le frère de Niccolo Capponi, dernier gonfalonnier de la république, et vous auriez dû comprendre que lui et les siens ne s’accommoderont jamais du rétablissement de la principauté, puisqu’ils doivent travailler à rétablir une charge à laquelle la popularité de leur nom et d’anciens services leur donnent le droit de prétendre. — Secondo, à vous, Messire Capponi, je dirai : que vous aimeriez le rétablissement du gouvernement populaire, parce que vous en seriez le plus important personnage, et qu’il est doux de sortir d’une obscurité aussi haïe que vantée, parce que, aussi, la vengeance est saine et bienfaisante, et que tout le sang florentin que ceux-ci font répandre, vous autres en laveriez la trace, sur les pavés de notre ville, avec des flots de sang espagnol. Tout cela est fort sagement conçu et très philosophiquement pensé. Mais vous commettez une notable imprudence en comptant sur l’appui des