Je laisse le vain appareil des armes à ceux qui n’ont pas assez d’esprit pour se défendre autrement.
Courage, Lorenzino. Humilie ce pédant !
Vous avez trop d’esprit vous-même pour qu’on engage un combat à armes égales. Chacun fait usage des siennes. (Il tire son épée[1].)
Voyons, Lorenzino, si ton esprit fera une cuirasse de ton pourpoint.
Qu’on me donne une épée ! (À part.) Imprudent ! J’ai failli me trahir ! (Il prend l’épée avec embarras et affecte d’hésiter.)
Bravo ! C’est ta première affaire d’honneur, Lorenzino. Je veux te servir de témoin.
C’est une épreuve. Jouons le rôle. (Il se laisse tomber.)
Misérable ! Ta couardise ne te sauvera pas !
Halte-là, Excellence. Voulez-vous tuer un homme déjà mort de peur ?
C’est une honte et une infamie.
Une infamie, non ! C’est un malheur. Le pauvre jouvencet est né avec cette infirmité. La seule vue d’une arme nue l’a toujours fait tomber en faiblesse. Qu’on emporte ce pauvret chez sa mère[2] et qu’on rassure la bonne femme en lui disant que l’acier n’a pas même effleuré le pourpoint de l’enfant. (Se retournant vers les courtisans.) Messieurs, c’est une maladie étrange, et s’il n’avait été battu mainte
- ↑ Cf. Musset, Lorenzaccio, acte I, sc. iv :
SIRE MAURICE
Celui qui se croit le droit de plaisanter doit savoir se défendre. À votre place, je prendrais une épée.
LORENZOSi l’on vous a dit que j’étais un soldat, c’est une erreur ; je suis un pauvre amant de la science.
SIRE MAURICEVotre esprit est une épée acérée, mais flexible, c’est une arme trop vile ; chacun fait usage des siennes. (Il tire son épée.)
- ↑ Cf. Musset, Lorenzaccio, ibid. :
LE DUC
… La seule vue d’une épée le fait trouver mal. Allons, chère Lorenzetta, fais toi emporter chez ta mère…