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UNE CONSPIRATION EN 1537

LE DUC

Oh ! Point tant d’humilité ! Soyons cousins, une fois pour toutes. Voici l’envoyé de la Cour de Rome qui nous parlait de la superbe harangue débitée contre toi par Messere Francesco Molza à l’Académie romaine[1].

LORENZO

J’ai entendu dire que cette harangue, digne des plus beaux jours de Cicéron, avait été déclamée et écoutée avec toute la gravité convenable à l’importance du sujet. Le romain et le toscan n’ont pas eu d’expressions assez flétrissantes pour le mutilateur des statues de l’antique Rome. C’est en latin que l’académicien a foudroyé le vandale et, peut-être, en cette occasion, l’un doit-il à l’autre des remerciements pour l’avoir maudit et diffamé dans celle de toutes les langues que l’on comprend le moins à l’Académie.

VALORI

C’est sans doute pour remédier à cet inconvénient que deux édits en très bon toscan ont été publiés, l’un par les Caparions, qui enjoignait au mutilateur de sortir au plus tôt de la ville des Césars, l’autre par le Sénat, qui promettait une récompense à quiconque en purgerait l’Italie.

LORENZO

Mesures d’étalage et de luxe, car l’ennui qu’on respire à Rome et la roideur hypocrite de ses grands suffisent pour éloigner tout homme qui n’y est pas dupe.

LE DUC, bas à Lorenzo.

Bien, Lorenzino, venge-moi de cet importun censeur. (Bas à Valori.) Vous le voyez : insolent et bas !

VALORI, à Lorenzo.

Un homme tel que vous doit avoir le bras aussi fort que l’esprit. C’est pourquoi je m’étonne qu’avec un langage si acerbe à la bouche, vous n’ayez point une épée au côté.

LORENZO

Ce n’est pas ma coutume.

VALORI

Alors votre coutume devrait être de parler peu, car l’homme qui ne sait pas se défendre ne doit pas attaquer.

LE DUC, bas à Valori.

Ferme ! Poussez-le à bout. Vous verrez sa lâcheté.

LORENZO

Je ne suis point un soldat, mais un pauvre amant de la science.

  1. Cf. Musset, Lorenzaccio, acte I, sc. iv :
    LE CARDINAL

    Messire Frandesco Molza vient de débiter à l’Académie romaine une harangue en latin contre le mutilateur de l’arc de Constantin.