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LA REVUE DE PARIS

presque inutile d’ajouter à son récit. Il suffisait de le découper en tableaux et de le mettre en dialogues. George Sand s’y employa avec beaucoup d’habileté, et l’œuvre qu’elle sut en tirer, Une conspiration en 1537, pouvait honorablement soutenir la comparaison avec les meilleures productions du genre. Cependant, soit que l’auteur ne la jugeât pas pleinement réussie à son gré, soit qu’aucune revue n’ait consenti à ce moment à l’accueillir, elle ne parut point.

Quelques années s’écoulèrent. Lorsqu’en 1833, vint la liaison avec Musset, les deux écrivains eurent tout naturellement la pensée de se communiquer leurs projets et leurs ébauches. Musset lut ainsi, dans un petit carnet, au milieu d’autres morceaux de la même époque, la scène historique que George Sand avait composée d’après les Chroniques florentines. Il fut séduit par le sujet. De cet essai, auquel l’auteur n’attachait plus sans doute qu’une importance médiocre, il vit le moyen de faire sortir un drame original et puissant, dans lequel il évoquerait toute la vie de Florence au xvie siècle. Il dut demander à George Sand et obtenir sans peine qu’elle lui cédât son manuscrit, en lui laissant toute liberté de l’utiliser comme bon lui semblerait. Et quand, un peu après, ils partirent tous deux pour ce voyage en Italie, qui devait si mal finir, il prit avec lui, les ayant détachés du carnet[1], les feuillets qui contenaient l’œuvre de son amie, pour en combiner sur place certains éléments avec les idées que lui suggéreraient la lecture des chroniques et le décor de Florence le drame de Lorenzaccio naquit de ce travail de remaniement.

C’est la scène historique de George Sand, telle qu’elle fut écrite il y a près d’un siècle, que publie aujourd’hui la Revue de Paris. Le texte nous en a été conservé, grâce à une négligence de l’écrivain, qui, lors de sa rupture avec Sandeau, emporta le carnet où était recopié son ouvrage, et laissa entre les mains de son ancien collaborateur le manuscrit primitif. Ce manuscrit, donné plus tard par Sandeau à madame Dorval, devint, après la mort de celle-ci, la propriété du vicomte Spoelberch de Lovenjoul. Il fait maintenant partie, sous le

  1. Le carnet, où se voit la trace des feuillets déchirés, est encore aujourd’hui en la possession de madame Lauth-Sand.