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sa place. Pareil à ces gens qui brûlent leur maison plutôt que de la voir habitée par un autre, du moment qu’un inconnu montait sur l’autel qu’il s’était élevé, il brûlait le temple et le Dieu, il brûlait la métempsychose ; aussi, après un long silence, il dit d’une voix lente et grave :

— Vous êtes fou.

À ce mot, son adversaire s’élança comme un forcené et une nouvelle lutte allait s’engager, plus terrible que la première, si les gardiens n’étaient accourus et n’avaient réintégré ces deux rénovateurs des guerres religieuses dans leurs domiciles respectifs.

Pendant près d’un mois le docteur ne quitta point sa chambre ; il passait ses journées seul, la tête entre ses deux mains, profondément absorbé. M. le Doyen et M. le Recteur venaient le voir de temps en temps et, doucement, au moyen de comparaisons habiles et de délicates allusions, secondaient le travail qui se faisait dans son esprit. Ils lui apprirent ainsi comment un certain Dagobert Félorme, professeur de langues au collège de Balançon, était devenu fou en écrivant un traité philosophique sur la doctrine de Pythagore, Aristote et Platon, traité qu’il s’imaginait avoir commencé sous l’empereur Commode.

Enfin, par un beau matin de grand soleil, le Docteur redevenu lui-même, l’Héraclius des bons jours, serra vivement les mains de ses deux amis et leur annonça qu’il avait renoncé pour jamais à la métempsychose, à ses expiations animales et à ses transmigrations, et qu’il se frappait la poitrine en reconnaissant son erreur.

Huit jours plus tard les portes de l’hospice étaient ouvertes devant lui.


XXIX

comment on tombe parfois de charybde en scylla


En quittant la maison fatale, le Docteur s’arrêta un instant sur le seuil et respira à pleins poumons le grand air de la liberté. Puis reprenant son pas allègre d’autrefois, il se mit