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laient dans son jardin, et, sous la forme de grandes araignées à pattes velues, les ci-devant mortels promenaient leur hideuse transformation sur les murs de son cabinet ; ce qui faisait dire à cet abominable Recteur que si tous les ex-pique-assiettes, métamorphosés à leur manière, se donnaient rendez-vous sur le crâne du trop sensible Docteur, il se garderait bien de faire la guerre à ces pauvres parasites déclassés. Une seule chose troublait Héraclius dans son épanouissement superbe, c’était de voir sans cesse les animaux s’entre-dévorer, les araignées guetter les mouches au passage, les oiseaux emporter les araignées, les chats croquer les oiseaux, et son chien Pythagore étrangler avec bonheur tout chat qui passait à portée de sa dent.

Il suivait du matin au soir la marche lente et progressive de la métempsychose par tous les degrés de l’échelle animale. Il avait des révélations soudaines en regardant les moineaux picorer dans les gouttières ; les fourmis, ces travailleuses éternelles et prévoyantes, lui causaient des attendrissements immenses ; il voyait en elles tous les désœuvrés et les inutiles qui, pour expier leur oisiveté et leur nonchalance passées, étaient condamnés à ce labeur opiniâtre. Il restait des heures entières, le nez dans l’herbe, à les contempler, et il était émerveillé de sa pénétration.

Puis comme Nabuchodonosor il marchait à quatre pattes, se roulait avec son chien dans la poussière, vivait avec ses bêtes, se vautrait avec elles. Pour lui, l’homme disparaissait peu à peu de la création, et bientôt il n’y vit plus que les bêtes. Alors qu’il les contemplait, il sentait bien qu’il était leur frère ; il ne conversait plus qu’avec elles et lorsque, par hasard, il était forcé de parler à des hommes, il se trouvait paralysé comme au milieu d’étrangers et s’indignait en lui-même de la stupidité de ses semblables.


XXVI

ce que l’on disait autour du comptoir
de mme Labotte, marchande fruitière,
26, rue de la maraîcherie


Mlle Victoire, cordon-bleu de M. le Doyen de la faculté de Balançon, Mlle Gertrude, servante de