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qu’il avait été trompé, joué, mystifié de la façon la plus abominable par ce fourbe couvert de poil qui n’était pas plus l’auteur tant désiré que le Pape ou que le Grand Turc. Le précieux ouvrage eut disparu tout entier si Héraclius n’avait aperçu près de lui une de ces pompes d’arrosage dont se servent les jardiniers pour lancer l’eau dans les plates-bandes éloignées. Il s’en saisit rapidement, et, en manœuvrant avec une vigueur surhumaine, fit prendre au perfide un bain tellement imprévu que celui-ci s’enfuit de branche en branche en poussant des cris aigus, et tout à coup, par une ruse de guerre habile, sans doute pour obtenir un instant de répit, il lança le parchemin lacéré en plein visage de son adversaire : alors quittant rapidement sa position, il courut vers la maison.

Avant que le manuscrit n’eût touché le docteur, ce dernier roulait sur le dos les quatre membres en l’air, foudroyé par l’émotion. Quand il se releva, il n’eut pas la force de venger ce nouvel outrage, il rentra péniblement dans son cabinet et constata, non sans plaisir, que trois pages seulement avaient disparu.


XXIV

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La visite de M. le Doyen et de M. le Recteur le tira de son affaissement. Ils causèrent tous trois pendant une heure ou deux sans dire un seul mot de métempsychose ; mais au moment où ses deux amis se retiraient, Héraclius ne put se contenir plus longtemps. Pendant que M. le Doyen endossait sa grande houppelande en peau d’ours, il prit à part M. le Recteur qu’il redoutait moins et lui conta tout son malheur. Il lui dit comment il avait cru trouver l’auteur de son manuscrit, comment il s’était trompé, comment son misérable singe l’avait joué de la façon la plus indigne, comment il se voyait abandonné et désespéré. Et devant la ruine de ses illusions, Héraclius pleura. Le Recteur ému lui prit les mains ; il allait parler quand la voix grave du Doyen criant :

— Ah çà, venez-vous, recteur ? — retentit sous le vestibule.

Alors celui-ci, donnant une dernière étreinte à l’infortuné