Page:Revue de Paris - 1921 - tome 6.djvu/510

Cette page a été validée par deux contributeurs.

La première pensée du Docteur fut pour son singe. L’animal avait disparu.

— Mon singe, où est mon singe ? — s’écria-t-il.

— Ah bien oui, parlons-en, — riposta la servante-maîtresse, toujours prête à se fâcher. — Le grand mal quand il serait perdu. Une jolie bête, ma foi. Elle imite tout ce qu’elle voit faire à Monsieur ; ne l’ai-je pas trouvée l’autre jour qui mettait vos bottes ? Puis ce matin, quand je vous ai ramassé là, et Dieu sait quelles maudites idées vous trottent par la tête depuis quelque temps et vous empêche de rester dans votre lit, ce vilain animal, qui est plutôt un diable sous la peau d’un singe, n’a-t-il pas mis votre calotte et votre robe de chambre ? Et il avait l’air de rire en vous regardant, comme si c’était bien amusant de voir un homme évanoui. Puis, quand j’ai voulu m’approcher, cette canaille se jette sur moi comme s’il voulait me manger, mais, Dieu merci, on n’est pas timide et on a encore le poignet bon ; j’ai pris la pelle et j’ai si bien tapé sur son vilain dos qu’il s’est sauvé dans votre chambre où il doit être en train de faire quelque nouveau tour de sa façon.

— Vous avez battu mon singe, — hurla le Docteur exaspéré, — apprenez, mademoiselle, que désormais j’entends qu’on le respecte et qu’on le serve comme le maître de cette maison.

— Ah bien oui, il n’est pas seulement le maître de la maison, mais voilà longtemps qu’il est déjà le maître du maître, — grommela Honorine, et elle se retira dans sa cuisine, convaincue que le docteur Héraclius Gloss était décidément fou.


XXI

comment il est démontré qu’il suffit d’un ami tendrement
aimé pour alléger le poids des plus grands chagrins


Comme l’avait dit le docteur, à partir de ce jour le singe devint véritablement le maître de la maison, et Héraclius se fit l’humble valet de ce noble animal. Il le considérait