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mace que le Docteur sentit ses cheveux se dresser sur sa tête. Puis, après avoir exécuté une voltige fantastique, absolument incompatible avec la dignité d’un homme, même absolument déchu, le citoyen aux quatre mains se livra à l’hilarité la plus inconvenante, à la barbe du Docteur. Ce dernier cependant ne trouva point choquante la gaieté de cette victime d’erreurs anciennes. Il y vit au contraire une similitude de plus avec l’espèce humaine, une probabilité plus grande de parenté, et sa curiosité scientifique devint tellement violente qu’il résolut d’acheter à tout prix ce maître grimacier pour l’étudier à loisir. Quel honneur pour lui, quel triomphe pour la grande doctrine, s’il parvenait enfin à se mettre en rapport avec la partie animale de l’humanité, à comprendre ce pauvre singe et à se faire entendre de lui.

Naturellement le maître de la ménagerie lui fit le plus grand éloge de son pensionnaire ; c’était bien l’animal le plus intelligent, le plus doux, le plus gentil, le plus aimable qu’il eût vu dans sa longue carrière de montreur d’animaux féroces ; et, pour appuyer son dire, il s’approcha des barreaux et y introduisit sa main que le singe mordit aussitôt par manière de plaisanterie. Naturellement encore, il en demanda un prix fabuleux qu’Héraclius paya sans marchander. Puis, précédé de deux portefaix pliés sous l’énorme cage, le Docteur triomphant se dirigea vers son domicile.


XI

où il est démontré qu’Héraclius Gloss n’était point
exempt de toutes les faiblesses du sexe fort


Mais plus il approchait de sa maison, plus il ralentissait sa marche, car il agitait dans son esprit un problème bien autrement difficile encore que celui de la vérité philosophique, et ce problème se formulait ainsi pour l’infortuné docteur : « Au moyen de quel subterfuge pourrai-je cacher à ma bonne Honorine l’introduction sous mon toit de cette ébauche humaine ? » Ah ! c’est que le pauvre Héraclius, qui affrontait