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à visage d’homme et le tua. J’eus en écoutant cette histoire une perception très vague que ce singe-là, c’était moi, que sous cette forme j’avais longtemps souffert comme du souvenir d’une déchéance. Mais je ne retrouvai rien de bien clair et de bien précis. Cependant je fus amené à établir cette hypothèse qui est du moins fort vraisemblable.

» La forme animale est une pénitence imposée à l’âme pour les crimes commis sous la forme humaine. Le souvenir des existences supérieures est donné à la bête pour la châtier par le sentiment de sa déchéance.

» L’âme purifiée par la souffrance peut seule reprendre la forme humaine, elle perd alors la mémoire des périodes animales qu’elle a traversées puisqu’elle est régénérée et que cette connaissance serait pour elle une souffrance imméritée. Par conséquent l’homme doit protéger et respecter la bête comme on respecte un coupable qui expie et pour que d’autres le protègent à son tour quand il réapparaîtra sous cette forme. Ce qui revient à peu de chose près à cette formule de la morale chrétienne : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît. »

« On verra par le récit de mes métempsychoses comment j’eus le bonheur de retrouver mes mémoires dans chacune de mes existences ; comment je transcrivis de nouveau cette histoire sur des tablettes d’airain, puis sur du papyrus d’Égypte, et enfin beaucoup plus tard sur le parchemin allemand dont je me sers encore aujourd’hui.

» Il me reste à tirer la conclusion philosophique de cette doctrine.

» Toutes les philosophies se sont arrêtées devant l’insoluble problème de la destinée de l’âme. Les dogmes chrétiens qui prévalent aujourd’hui enseignent que Dieu réunira les justes dans un paradis, et enverra les méchants en enfer où ils brûleront avec le diable.

» Mais le bon sens moderne ne croit plus au Dieu à visage de patriarche abritant sous ses ailes les âmes des bons comme une poule ses poussins : et de plus la raison contredit les dogmes chrétiens.

» Car le paradis ne peut être nulle part et l’enfer nulle part.