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j’avale indifféremment toutes les croyances, tous les dogmes, toutes les morales, toutes les superstitions, toutes les hypothèses, toutes les illusions, de même que, dans un bon dîner, je mange avec un plaisir égal potage, hors-d’œuvre, rôtis, légumes, entremets et dessert, après quoi, je m’étends philosophiquement dans mon lit, certain que ma tranquille digestion m’apportera un sommeil agréable pour la nuit, la vie et la santé pour le lendemain.

— Si vous m’en croyez, — se hâta de dire le Doyen, nous ne pousserons pas plus loin la comparaison.

Une heure après, comme ils sortaient de la maison du savant Héraclius, le Recteur se mit à rire tout à coup et dit :

— Ce pauvre Docteur ! si la vérité lui apparaît comme la femme aimée, il sera bien l’homme le plus trompé que la terre ait jamais porté.

Et un ivrogne qui s’efforçait de rentrer chez lui se laissa tomber d’épouvante en entendant le rire puissant du Doyen qui accompagnait en basse profonde le fausset aigu du Recteur.


VI

comme quoi le chemin de damas du docteur se trouva être la ruelle des vieux pigeons, et comment la vérité l’illumina sous la forme d’un manuscrit métempsychosiste.


Le 17 mars de l’an de grâce dix-sept cent et tant, le Docteur s’éveilla tout enfiévré. Pendant la nuit, il avait vu plusieurs fois en rêve un grand homme blanc, habillé à l’antique, qui lui touchait le front du doigt, en prononçant des paroles inintelligibles, et ce songe avait paru au savant Héraclius un avertissement très significatif. De quoi était-ce un avertissement ?… et en quoi était-il significatif ? le Docteur ne le savait pas au juste, mais néanmoins il attendait quelque chose.

Après son déjeuner il se rendit comme de coutume dans la Ruelle des Vieux-Pigeons, et entra, comme midi sonnait,