Page:Revue de Paris - 1921 - tome 6.djvu/237

Cette page a été validée par deux contributeurs.

thèses. C’était comme une arène où les champions de toutes les philosophies se heurtaient dans un tournoi gigantesque. Il amalgamait, combinait, mélangeait le vieux spiritualisme oriental avec le matérialisme allemand, la morale des Apôtres avec celle d’Épicure. Il tentait des combinaisons de doctrines comme on essaye dans un laboratoire des combinaisons chimiques, mais sans jamais voir bouillonner à la surface la vérité tant désirée, et son bon ami le Recteur soutenait que cette vérité philosophique, éternellement attendue, ressemblait beaucoup à une pierre philosophale… d’achoppement.

À minuit le docteur se couchait — et les rêves de son sommeil étaient les mêmes que ceux de ses veilles.


V

comme quoi m. le doyen attendait tout de l’éclectisme,
le docteur de la révélation
et m. le recteur de la digestion


Un soir que M. le Doyen, M. le Recteur et lui étaient réunis dans son vaste cabinet, ils eurent une discussion des plus intéressantes.

— Mon ami, — disait le Doyen, il faut être éclectique et épicurien. Choisissez ce qui est bon, rejetez ce qui est mauvais. La philosophie est un vaste jardin qui s’étend sur toute la terre. Cueillez les fleurs éclatantes de l’Orient, les pâles floraisons du Nord, les violettes des champs et les roses des jardins, faites-en un bouquet et sentez-le. Si son parfum n’est pas le plus exquis qu’on puisse rêver, il sera du moins fort agréable, et plus suave mille fois que celui d’une fleur unique — fût-elle la plus odorante du monde. — Plus varié certes, — reprit le Docteur, — mais plus suave non, si vous arrivez à trouver la fleur qui réunit et concentre en elle tous les parfums des autres. Car, dans votre bouquet, vous ne pourrez empêcher certaines odeurs de se nuire, et, en philosophie, certaines croyances de se contrarier. Le vrai est un — et avec votre éclectisme vous n’obtiendrez